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MUCEM que j’aime

lundi 25 août 2014, par Grosse Fatigue

Nous avons déjeuné au Grand Bar Pierre place de la Préfecture à Marseille. Il y avait un type avec une seule dent à une table. Il dessinait aux pastels en couleur. On a discuté. Il aimait comme moi les Expressionnistes, les Allemands s’il vous plaît. J’ai regardé le reste du bloc, c’était plutôt pas mal. Je n’ai pas osé lui en acheter un, je n’avais pas de monnaie. Et comme lui non plus, nous nous sommes quittés désolés. Il a juste précisé qu’il venait là tous les jours. J’espère y retourner dans moins de dix-sept ans. Ce serait plus sérieux.

Une voiture de flics est passée très vite sur la Canebière, comme dans un téléfilm sur la Trois. Les filles du sud sont vraiment jolies. Je suis content d’habiter ailleurs, ce serait trop de divertissement pour mon âme agitée.

Puis nous sommes retournés près de l’immense parking souterrain, à côté duquel on a construit un immense musée, comme par hasard. Je ne savais pas que la chose allait nous coûter treize Euros, que j’aurais préféré filer au peintre pastel.

Et nous avons visité le MUCEM. Le MUCEM pourrait être à Barcelone, à Bilbao, à l’espagnol. C’est le marketing des villes. J’en ai déjà parlé. Le marketing des villes consiste à rendre spectaculaires et panoramiques les lieux où vivaient autrefois les prolétaires. Avant de descendre dans le MUCEM, nous avons quitté le quartier du Panier, en pleine gentrification. C’était sans doute un mauvais jour, un dimanche, mais je n’y ai pas vu d’immigré, de pêcheur ou de docker, pas de voyous. Juste une vieille pas fraîche qui étendait son linge comme autrefois à Béziers. On se cache car, ici, c’est très propre, minéral, comme de l’eau de Vichy autrefois.

Au musée, une exposition sur le carnaval. Pas grand-chose à apprendre, rien à comprendre, du gros, du spectaculaire, de la vidéo. Il faut divertir les touristes, c’est la devise. Le divertissement permet de gérer des flux lents mais sereins, peu agglutinés, passant d’une salle à l’autre comme on regarderait un défilé. Les textes font cinq lignes de banalités, les diables et les sorcières, le retour du printemps, la sexualité. Rien sur la viande que l’on mange, surtout : ne pas compliquer.

En quittant le musée, on passe dans de longs couloirs et l’on voit les salariés de la chose, des gens derrière des vitres et devant des écrans. Quand on marche devant des gens assis, on a toujours l’impression qu’ils sont payés à ne rien faire. Je remarque qu’il s’agit ici uniquement de jolies filles ces employées du musée qui font leurs courses en ligne, à la manière des pouliches à Vincennes, et je suis sûr que c’est fait exprès.

Dehors, il fait chaud et les Marseillais ont disparu : personne n’exagère rien dans ma pièce en trois actes, avec unité de lieu, mais au temps disparu.

Le coût du musée est sans doute totalement dingue, incroyable, disproportionné, hors-budget. Des millions d’argent public pour enterrer les prolos loin du centre propret et attirer des bobos mondialisés dans mon genre afin d’inspecter les lieux. Hygiène.

C’est chose faite : nous avons cru ces crétins d’urbanistes et ceux-là ont cru aussi, du verbe croître, ce qui est regrettable.

J’imagine que, pour un tel coût, on aurait pu lancer une politique éducative à Marseille et cultiver les gamins des mauvais quartiers, leur apprendre la musique, le solfège, la peinture, la sculpture et peut-être même la vie en-dehors du shit et du foot, pendant au moins cent cinquante quatre ans, cent cinquante cinq ? Avec la queue de budget, on aurait sans doute pu établir une politique de ramassage des ordures, même si je préfère, pour des raisons romantiques, cette étrange odeur qui vous prend aux tripes.

Et si jamais je m’étais trompé d’un an, avec l’argent restant, j’aurais pu acheter quelques feuilles de mon peintre expressionniste marseillais. Je regrette de ne pas l’avoir fait et j’aimerais bien que quelqu’un le fasse pour moi, merci.