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Développement durable, faire le vide.

mardi 26 janvier 2016, par Grosse Fatigue

Le centre de ma vie est constitué par un grand vide une semaine sur deux et par quatre enfants la semaine d’après. On se pose des questions c’est bien normal et papa tu trouves ça bien cette idée-là ? Et ce film sur les islamistes au Mali, tu iras le voir ?

Non. Je n’irais pas. J’en ai soupé de la bêtise totale et crasse de la majorité humaine. Ce matin je tape dans le train ce texte pour que quatre-cent quatre vingt trois personnes au dernier recensement puissent le lire sans m’en dire grand-chose, parce que ça fait partie de leurs habitudes et des miennes. Si chaque texte valait un Euro sur Paypal™, je n’aurais plus aucun souci, mais tout est plus compliqué que cela.

Mais papa, nous, qu’est-ce que l’on va devenir ?

Voilà le genre de questions une semaine sur deux, pendant que nous arrivons dans la plaine et que le brouillard me rappelle les soirs de janvier de mon enfance quand je retrouvais ma mère qui repassait devant la télé, dans une maison pas à nous et franchement sombre. Que vais-je leur laisser de leurs janviers à eux ?

Des doutes.

Pour assurer le développement durable - vaste fumisterie - de mes quatre enfants afin qu’ils puissent acheter un 4X4 très polluant Effet Veblen garanti, comme celui du beauf qu’aime leur mère, il faudrait les pousser à faire une école de commerce, n’étant pas assez dans l’abnégation pour faire médecine comme maman. Au pire comme dans ces familles-là, on envisagera une école privée, une école bidon, où l’on se fait des relations dans le superficiel qui, tout en haut de l’écosystème et au plus proche de Paris, fait pousser de l’Euro dans la communication, variante post-moderne de l’industrie d’autrefois, quand il y avait encore des guerres avec des ouvriers aux avant-postes. L’avenir de mes enfants passerait plutôt par un CAP isolation écologique, mais la vie n’en prend pas le chemin, alors je les encourage à poursuivre la musique, à remplacer Bowie et les autres, à ré-inventer un âge d’or où l’on comprendrait les paroles comme on aimait Verlaine ou Rimbaud, parce que c’était nouveau. Aussi.

Faire le vide : je commence. Je cherche des cartons pour jeter les fonds de tiroirs de mes fringues inutiles. Pourquoi tout cela quand sept paires de chaussettes et autant de slips trop petits en hiver et béants l’été suffisent pour me satisfaire l’imaginaire riquiqui de ce qui me reste d’érotisme en moi ? J’ai deux batteries à vendre, deux vélos inutiles, plus ceux des gamins toujours trop grands, des planches de bois achetées au rabais qui ne feront plus de meubles, de vieux magazines entassés qui me rassuraient, les livres de fac que j’ai lus et dont je ne me souviens plus, ainsi que ceux auxquels je n’ai rien compris, comme celui de Shmuel Trigano, Nanterre Paris X, 1988, que j’ai acheté pour me donner l’air de comprendre la dimension immatérielle du Judaïsme, pour m’endormir à la centième page en croyant avoir lu du chinois écrit en caractères romans. Tout vendre, tout donner.

Puis détacher les étagères made in par moi, en planches de chêne chinois, épousseter, donner encore. Préparer le déménagement, boire ce qui reste de vin à la cave, vider le congélateur - cette arnaque électrique évidente, pas touché depuis deux ans - couper l’électricité, revendre les parcelles de terrain et lui rendre l’argent à elle, car tout lui appartient.

Pour le reste, je ne crois en rien.