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Choses vues au supermarché

lundi 14 septembre 2015, par Grosse Fatigue

Comme on avait du temps à tuer entre les deux activités sportives de ses sœurs, on est allé au supermarché avec le petit.

Il y a longtemps que je ne vais plus dans ce supermarché. On y allait il y a quinze ans ou plus, je ne sais plus très bien. Je me souviens avoir poussé des poussettes et mis des petits dans des caddy™ ici. Je me souviens de leur joie au rayon jouets. Les yeux illuminés. Les couleurs de Noël, les guirlandes.

Là, le petit dernier, il est grand, il sait lire. C’est presque un homme.

Dans ce supermarché, il faut peser ses fruits et ses légumes. J’avoue que je préfère quand la caissière le fait. Je trouve que c’est plus efficace et que ça enrichit le travail. Oui, je sais que ça n’est pas un travail formidable. Mais il vaut mieux que ça soit un peu plus riche. Enfin bon : je n’en sais rien.

Une fille genre étudiante peut-être pèse des tomates calibrées à la peau plastique rouge plastique qui durent toujours. Je le sais parce qu’en mars dernier, j’ai retrouvé celles que j’avais balancées dans mon compost en décembre. Elles avaient survécu à tout. Ce sont des tomates en plastique que l’on mange : je le jure.

La fille pèse ses tomates, mais retient le sac en cellophane, elle dompte la pesanteur. Il y en a sept. J’ai le temps de les compter. Elle est un peu fébrile. Puis l’étiquette rouge sort, elle la colle et s’éloigne. Si la vie lui est pesante, il n’en est pas de même pour ses tomates...

Plus loin, j’ai découvert le couloir des plats cuisinés. Je pensais que les plats cuisinés étaient réservés aux gens pressés. Là, je vois que des pauvres et des obèses en achètent plus qu’il n’en faut. Ce n’est pas qu’ils sont pressés, c’est qu’ils n’ont pas le temps. On leur a dit : vous n’avez pas le temps. C’est ainsi qu’il faut être. Alors ils sont. C’est fou comme on est ingénieux. J’imagine des ingénieurs derrière des écrans à calibrer des plats cuisinés, distribution, packaging, process alimentaire. Puis le soir ils rentrent chez eux et mangent quoi ?

Je repense à ce type sur France-Inter qui collectait les recettes de cuisine des grands-mères du monde entier. Il faudrait leur dire.

A la caisse, la fille aux tomates me dévisage rapidement. J’ai peut-être une tête de vigile. Puis elle se calme. Elle paye en liquide, en comptant ses pièces. Elle a acheté deux tomates. La caissière a d’autres chats à fouetter. Elle est en apnée du matin au soir, elle est toute gonflée : la preuve. Il en faut du courage pour penser à autre chose huit heures par jour. Et là, ça se voit. Tout en rêvant, elle parle à la caissière derrière elle. Elle parle de camping-car. Un horizon s’ouvre sur le Colorado. En quelque sorte.

La fille aux tomates s’éloigne en comptant ce qui reste dans son porte-monnaie. L’ingénieur va manger son plat cuisiné. Les étudiants du campus ont acheté de l’alcool fort par conformisme, et pour oublier. Les pauvres de la cité ont des chariots pleins.

Il y a très longtemps que je n’étais pas venu ici.