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Le marketing des villes : Notre Dame des Landes

dimanche 25 novembre 2012, par Grosse Fatigue

Barcelone : je croyais y trouver des anarchistes et des phalanstères. Pauvre de moi. A chaque carrefour, derrière les devantures et les colifichets made in nulle part pensés pour les touristes, je pensais à Orwell, à l’époque où l’on ne se contentait pas des idées, on en mourait. Oui, très peu pour moi mourir pour des idées. Mais de là à transformer l’histoire qui se fait entre les hommes, à repeindre les murs des fusillés, à combler la mer pour en faire des centres commerciaux. De là, de là : il n’y a qu’un pas.

Il fallait chasser les marins, chasser les prolos.

Chez nous, on empêche les prolos de venir en centre-ville. Qu’est-ce que ça peut foutre ? Ils vont bouffer dans les zones commerciales....

Les villes sont des entreprises séduisantes. Elles nous proposent le confort et la sécurité. Pour Barcelone, c’est raté. Mesdames, gardez vos papiers dans vos strings-ficelles, messieurs, votre argent n’est à l’abri qu’au fond de vos kangourous Lagerfeld... Le larron n’est jamais loin, le voleur des rues, le sprinter démoniaque des ramblas. Barcelone nous propose un panorama permanent. Cartier-Bresson n’aimait pas le pittoresque : je me suis laissé aller, comme on se laisse avoir par certains seins trop arrondis, avant de s’apercevoir....

A Barcelone, il y a tout ce qu’il faut pour nous accueillir. Des musées et des des promenades, des cours, des palmiers et des hôtels dernier-cri équipés wifi des fois que l’exotisme soit insuffisant. Barcelone, c’est l’avenir des villes.

D’autres villes imitent Barcelone. La Rochelle a tourné le dos à l’industrie, et sa zone portuaire, et ses sous-marins allemands, elle aimerait les recouvrir de dix tonnes de béton au mètre carré pour cacher la réalité, la crasse et les matières premières. On vous promet un avenir de retraité propret, et quelques concerts. Il n’y a plus de marin, du moins pas plus qu’à Barcelone.

C’est dans le Canard Enchaîné que j’ai compris pour Notre Dame des Landes. Bien sûr que c’est du marketing : attirer les gens qui viennent de loin, leur proposer de l’exotisme, de la distance, de la province, mais en cachant le local, le spécifique, le terroir : tout cela, les parisiens globalisés de New-York ou Berlin s’en moquent. Ils veulent de l’art moderne et des hôtels trente étoiles. Et de l’écologie en atterrissant : un bel aéroport flambant neuf et des tramways si coûteux, un Apple center™ des fois que la dernière nouveauté d’après-demain y apparaisse en avant-première, sait-on jamais. Et puis surtout : les mêmes boutiques qu’ailleurs.

Alors les paysans et les escargots, les vers de terre et l’agriculture bio, les Anars crados et l’écologie, la vraie, celle qui consiste à dire qu’il vaut mieux ne rien faire aux arbres plutôt que d’envisager une filière durable pour les abattre, alors, alors : plutôt courir.