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Mon profil Facebook™
vendredi 20 janvier 2017, par
J’avais créé un profil Facebook™ des fois que. Tout m’y poussait : la fin des emails, les amis qui me disaient d’y aller, des lecteurs qui m’y invitaient, tout semblait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Je savais bien que Mark Zuckerberg avait tout prévu. Quand même, privatiser internet, c’était quelque chose ! Tout ce que les vieux de la vieille avaient pu rêver d’utopies libertaires en ligne, de changement et de partage ! Et lui, lentement mais sûrement, nous proposait sur une seule page le monde entier, et nos amis avec, qu’ils existent réellement ou pas.
Quelle déception.
Tout le monde s’inscrivait chez moi, y compris des putes de l’est à la manière de la dernière madame Trump, me faisant croire que nous étions amis et pouvions travailler de tout cœur dans l’orgiaque contemporain. Des mémères et des bonnes femmes nous proposaient leurs recettes de cuisine et d’autres des photos de leurs chats, voire pire. On me proposait des thématiques et surtout des publicités, on me disait même où j’habitais et quelle température il faisait dans mon jardin ! J’étais tracé, fiché, criblé, suivi et poursuivi par le monde entier, mais en aucun cas par ceux d’autrefois, ou si peu.
Que s’était-il passé ?
Le monde avait changé.
De nos utopies il ne restait rien. Même mes collègues informaticiens étaient contents de recevoir gratuitement la dernière version de Microsoft Office™ parce qu’ils le valaient bien, eux qui ne croyaient qu’en Linux il n’y a pas dix ans. Eux qui croyaient renverser le monde et terrasser Microsoft™ en moquant Apple™. Eux qui, aujourd’hui, sont tellement ravis de passer du 5 au 6 puis au 7, et qui conservent leurs photos de vacances au creux de leur main, et sur les serveurs du Cloud™...
Nous avons été identifiés, nous avons collaboré, nous sommes minables. Et l’on s’étonne de la face du monde telle qu’elle arrive : de profil. De profils en profils, nous sommes tous ravis, au sens du ravisseur, de nous donner en spectacle, de partager au profit de tous et surtout pas de nous, des données pas personnelles et des emplacements sur GPS.
Oh, bien sûr, Facebook m’a proposé de rester. Je recevrais moins de propositions, moins d’emails, moins de. Et mon profil existera toujours, dormant, si jamais je voulais rejoindre le flux de la chose, si jamais - et c’était comme une menace - je me sentais trop seul.
Il est parfois préférable d’être seul.