L’influence des planètes

J’avais un ami qui jouait très bien de la basse et qui chantait aussi. J’aimais bien ce type que j’ai perdu de vue comme il a perdu les femmes qu’il n’aimait plus comme tout le monde à vrai dire. Il y a longtemps, il lisait des traités d’astrologie et ça me faisait bien rire. Comme j’étais un mauvais batteur mais un beau-parleur, il avait essayé de me convaincre de la véracité de l’astrologie. Je l’avais facilement converti à penser à autre chose en lui parlant de la masse de la Tour Eiffel, ce qui marche assez bien d’ailleurs. (Si Jupiter a une influence sur ma personnalité, il faut accepter que la masse de fonte de la Tour Eiffel ait aussi une influence sur la personnalité ou l’humeur des gens qui habitent autour...).

Pascal s’était mis à lire autre chose.

Les planètes n’ont aucune influence sur nos petites vies. La Tour Eiffel, si. Des millions de gens rêvent de la voir et j’avoue être heureux moi aussi quand je la vois. J’ai l’impression d’être face au passé, et c’est parfait. La Tour Eiffel renforce ma mélancolie et me transforme.

On aurait découvert une neuvième planète dans notre système solaire. J’avoue mon incompréhension : je croyais que notre système solaire était une immense bulle avec contrôle aux frontières pas loin de Pluton, et où des planètes tournaient en ronds, des ronds concentriques autour du soleil. Voilà donc une planète invisible mais géante, qui mettrait vingt-mille ans à tourner autour du soleil, et cette planète invisible a été découverte parce qu’elle changeait l’orbite d’autres planètes et de quelques cailloux. C’est merveilleux de savoir compter. Je n’aurais pas dû abandonner les mathématiques en sixième, mais c’était de leur faute.

Quand j’imagine cette planète, je suis aussi heureux que quand je regarde la Tour Eiffel ou le Chrysler Building. Ainsi donc, nous sommes minuscules, et des choses nous dépassent. J’ai envie d’en parler aux croyants comme j’en ai parlé à ce copain astrologue amateur, afin que les peurs du passé et les histoires à dormir debout, les monothéismes en somme, disparaissent comme par magie et que le cours de bourse des fabricants chinois de télescopes en plastique explosent. Feu d’artifice malgré la pluie de janvier.

J’ai aussi appris que sur Pluton existe un volcan de glace, un volcan gigantesque, et ça m’a fait du bien. Il me semble que les paysages terrestres en voie de disparition ne comblant plus mes manques, il me reste cet étrange ailleurs qui existe pour de vrai et que je ne verrais jamais. Mais si tout le monde voulait y regarder, la vie serait mieux, plus légère.