GROSSE FATIGUE cause toujours....

Accueil > Impuissances > De la burqa en milieu humide

De la burqa en milieu humide

jeudi 7 avril 2016, par Grosse Fatigue

Sur la plage abandonnée, près de Montpellier, entre lac et mer, entre sel et terre, les gamins bronzés dans l’eau, les parents affalés fatigués, sous un soleil de plomb. J’étais parti marcher, parce que la plage, il faut dire que ça m’ennuie. Je regardais les corps et les visages, les attitudes et le paysage, je comptais les tatouages pour créer une sensation statistique : dix-sept pour cent des corps étaient ainsi parsemés de mauvais goût, et je pensais à Auschwitz en plein été. La servitude volontaire : c’est quelque chose !

Une femme nue à grosse touffe la cinquantaine envoyait un bâton à son chien petite touffe marron, bavant le vent salé dans les babines, heureux comme un chien d’aveugle. Je me suis souvenu de mes premières touffes, j’en ai eu marre de la nostalgie. Il paraît que des femmes se font maintenant tatouer des touffes de poils à la place de leurs pubis épilés, parce qu’il est nécessaire de rester à la mode.

J’ai pris quelques coups de soleil, j’ai recroisé au retour la femme à grosse touffe à l’allemande sans doute, et son chien petite touffe hirsute, plus les types qui regardaient à-côté, et je me souviens aujourd’hui de tout cela comme on se souvient d’un film en VHS : il y a comme un goût de plastique, une lumière trop jaune, un ciel trop bas, quelque chose de clinquant à l’époque du blue-ray, cette horreur. Ah oui voilà : l’époque du numérique est l’époque de la sur-réalité. Mais j’en parlerai ailleurs bientôt. Il faut juste que je m’en souvienne.

Au retour derrière les rochers qui maintiennent l’artifice de plage, je retrouve mes enfants et mes amis, leurs enfants et les tatoués alentour. Et puis il y a cette famille en tchador, voire pire, pacifique et obèse (Est-ce lié ? Si oui : espoir), qui se lève pour aller jouer au ballon dans l’eau, enveloppées les unes et les autres d’un épais vêtement.

J’ai repensé aux vacances bourgeoises du temps d’avant les congés payés quand ces dames faisaient trempette jusqu’aux genoux. On avait la décence que l’on pouvait.

J’ai donc regardé cette famille énorme et pacifique s’amuser dans l’eau, tout en constatant que l’une de ses membres portait un bikini des plus normaux, que ses long cheveux noirs brillaient au soleil, que ses yeux luisaient sans maquillage, d’un noir profond eux aussi.

A l’arrière-plan, ou bien hors-champ, est alors venue s’installer la femme moderne à la touffe herbeuse. J’avais ainsi en perspective dans ma focale imaginaire trois étapes de la pensée du corps, et j’aurais bien proposé à la moins déshabillée de toutes de s’échapper avec moi, de conserver son bikini et d’aller écouter Pink Floyd jouer à Pompéï. Mais il était trop tard. Le contraste des lumières d’été n’est pas favorable. A rien.

Ce matin j’ai lu en ligne par paresse mais aussi par intérêt financier, une chronique d’Esther Benbassa sur ces femmes voilées pas plus ridicules que ces femmes en strings, même si, jusqu’à maintenant, les secondes ne se permettent pas encore de s’accoutrer de la sorte sur les Champs-Elysées. J’ai su alors que nous étions dans la société américaine, avec à l’arrière-plan, les restes des années soixante-dix et quelques naturistes allemands, puisque les nazis ont inventé la pratique tout en tuant le désir. J’ai compris qu’il n’y avait plus aucun espoir depuis que les utopistes n’ont pas compris que les minorités n’ont rien de fondamentalement bon. Je veux dire : d’un point de vue ontologique. La minorité n’est ni meilleure ni pire. Il faut juste dans certains cas, s’arranger pour qu’elle reste minoritaire. Et dans le cas de la mode à la burka, ce serait bien. Alors que, pour le kebab, je n’ai rien à redire.

Mais bon. Il vaut sans doute mieux se taire.