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De l’intérieur

vendredi 26 février 2016, par Grosse Fatigue

A l’intérieur se passent des choses, et c’est l’impuissance. Je me suis dit cela en faisant euthanasier le cochon d’Inde, cette grosse femelle qui louchait un peu, que les gamins aimaient bien, et qui a échappé grâce au jardin à la merde industrielle. Car les vétérinaires eux-mêmes osent nous conseiller des croquettes dans des sacs en plastique métallique ou le contraire peut-être, juste avant de réclamer soixante Euros pour en finir avec la bête. La bête s’est surtout nourrie d’herbe et d’épluchures, mais n’a pas échappé à un cancer de la face ou du groin, de la truffe, que sais-je. Il y a trois jours, sa sœur a mis bas trois nouveaux petits et les gamins étaient heureux.

Ce qu’il me reste de paysan en moi. A l’intérieur.

Justement à l’intérieur, c’est inquiétant. Qu’une bestiole bien nourrie se meure ainsi, c’est étrange. Et les gens le savent, et les gens le sentent, du moins ceux qui en ont le temps ou les capacités, ou les valeurs ou la volonté. Même les gros deviennent végétariens. D’autres arrêtent le sucre, l’alcool, les carottes standardisées, le sel, le gluten, le grand n’importe quoi : on flippe de tous bords. Car par où commencer ?

Autrefois, on mourait à quarante-cinq ans. J’ai cinq ans d’échappée belle. On mourait d’épuisement et de vieillesse à l’horloge biologique de l’espèce. Aujourd’hui, des molécules nous polluent tant le corps que l’on meurt tard par pollution. Est-ce mieux ?

Oui, c’est toujours mieux que de mourir jeune.

Mais voilà : les enfants aussi meurent de ce genre de choses.

A cause du dentifrice, du maquillage, du sucre, encore du sucre, des édulcorants, des pesticides, des agriculteurs, du porc en batterie, des plats cuisinés, des caries et des plombages, de l’air que l’on respire et de la fumée des autres, des subventions Peugeot™ et du maintien de l’emploi, des téléphones portables et des terres rares, de l’alcoolo-tabagique mais tant pis pour lui, le gras aussi, l’industrie alimentaire en général, le goût perdu pour les choses simples, le blanc des œufs aussi liquide que l’eau du robinet, que l’on ne doit pas boire, car ça rend stérile, aveugle, débile, Front National dans les banlieues prolétaires blanches et pas que.

En gros : de l’intérieur aussi, les transformations sont alarmantes. On se met à rêver d’air pur et les plus riches vont skier en imaginant que les montagnes qu’ils grimpent en 4X4 ont ce quelque chose d’exceptionnel qui échappe à l’urbain... comme si la neige de décembre était miraculeuse quand elle est crachée par des canons.

Les pissenlits ont un mois d’avance.