GROSSE FATIGUE cause toujours....

Accueil > Chroniques potagères > A propos du mimosa

A propos du mimosa

mardi 9 février 2016, par Grosse Fatigue

Quand j’étais enfant ma mère nous parlait du mimosa qu’une amie quelque part sur la Côte d’Azur lui ramenait dans ses rêves la preuve : je ne savais pas vraiment identifier du mimosa. Ça n’est que bien plus tard peut-être à la télévision que j’ai su que cet arbre d’un vert douteux fleurissait en janvier à Nice ou à Cannes et que ses fleurs jaunes y annonçaient le printemps sur un bout de mer où l’hiver n’avait pas prise.

Aujourd’hui le mimosa est presque fané et février a tout juste débuté et j’habite loin de la côte d’Azur et loin de la côte tout court. J’ai vu du mimosa jaune écarlate près du petit supermarché moche du bout de la rue, celui dans lequel des alcooliques vers quatorze heures viennent dépenser l’argent de leurs allocations afin d’oublier le reste de la journée dans les brumes permanentes du manque d’amour, ou quelques chose de ce genre. L’autre jour en allant chercher du beurre avec le petit, j’y ai vu cette femme mal en point et qui fait semblant, repartir avec les mêmes tablettes que nous ainsi qu’avec cette bouteille de whisky sans nom, une fois passée en caisse, le cadenas de la bouteille retirée par la caissière, ce qui lui fit l’effet d’un soulagement, d’une libération.

En la suivant dans la rue nous l’avons vue haut-perchée faire de son mieux pour arracher des branches du mimosa, réalisant sans doute là et par un fait exprès l’un des rêves de ma mère, à laquelle elle ressemblait par cette solitude de l’âge mais pas par l’alcool. Nous l’avons vue satisfaite et de loin repartir avec trois branches de mimosa, une petite et deux grandes, au-dessus de son cabas peinturluré aux couleurs de la ville, comme s’il était nécessaire de se faire à soi-même la publicité de notre quartier. Il est vrai que dans nos cas, l’exotisme ne se porte pas à merveille, alors autant croire à la proximité et au quotidien.

Le petit m’a demandé s’il était normal de prendre des fleurs dans les arbres, je lui ai donné le nom de l’arbre et j’ai précisé que les fleurs dépassaient tellement dans la rue que j’imaginais la bonté du propriétaire : il laissait sans doute tout cela à la portée de la première venue afin qu’elle oublie sa peine et recule de quelques minutes le moment de boire au goulot le feu passager qui l’apaisera, si besoin.

Il m’a dit : "Papa, t’es une sorte de pouêt. Je ne sais pas trop comment ça s’écrit."

Je ne sais pas si le petit le temps venu, longtemps après la catastrophe et Cormac Mc Carthy s’en ira écrie les rêveries de son père à propos du mimosa mais une chose est sûre : par ici le mimosa en fleurs un vingt janvier, ça n’est pas rassurant.