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Sous l’orage

vendredi 12 mai 2017, par Grosse Fatigue

Nous sommes partis sous l’orage et nous avons eu peur. Les automobilistes nous dépassaient en criant à cause de leur nature impatiente. Nous avons roulé en prenant des relais c’est bien le seul endroit où je participe à une cause commune : le vélo.

Je roule avec des vieux, des vieux de n’importe quel genre, des prolos, des médecins, des maçons, des instituteurs, des flics de la brigade financière, des étudiants maigres et des amis aussi.

Nous sommes partis sous l’orage qui couvait, qui nous couvait, comme des œufs prêts à éclore, dans un duvet d’humidité, nous transpirions dès le départ. Nous sommes partis vers l’Armorique, du moins sa partie géologique, nous avons quitté le calcaire, direction ouest, puis de retour, car il faut revenir.

J’écoute Sylvain Tesson qui cite Kessel, faut-il rester chez soi ou bien partir ?
Il paraît que seule l’écriture peut transformer la folie.

Nous sommes partis sous l’orage et sans mot dire. Chacun se raconte les courses des autres, ceux que plus personne ne court que dans sa tête. Nous sommes bariolés dans cette laideur pratique de couleurs horribles issues du cerveau d’un clown échappé du cirque. Ce n’est pas tant un manque d’élégance qu’une opportunité de porter des couleurs fluorescentes pour ne pas être renversés tout de suite à défaut d’être renversants.

Sur la route, toujours la même conclusion : tout est propre. Des agriculteurs industriels tracent au cordeau informatique des champs limités par des herbicides qui leur filent des cancers de l’anus. Ceux-là même que je souhaite parfois à d’autres avant d’oublier.

Puis en revenant, une conne se rabat sur moi parce que je ne roule pas sur la piste cyclable. En la rattrapant au feu rouge, elle ouvre sa fenêtre car c’est son droit, pour me reprocher de payer des impôts pour une piste cyclable que l’on n’utilise pas. A défaut de lui coller une bonne baffe - les beaufs, c’est sans espoir - je lui précise qu’elle a manqué de me faire tomber, ce qu’elle confirme en me disant bien son habilité à ne pas me faire tomber, je lui explique que la piste cyclable est encombrée d’automobiles et de cailloux, et qu’avec nos jolies roues si fines, on ne peut pas se permettre.

Elle s’en fout alors je rajoute que la vie est courte et que, même si "c’est très désagréable de perdre du temps derrière vous", ce n’est que trente secondes dans la vie d’une conne, au volant d’une voiture à crédit, la pipe électronique au bec et Skyrock™ en boucle à l’oreille. La vie est courte, et trente secondes dans une courte vie, ça n’est rien.

L’orage était passé. Mais ils sont trop nombreux, et elles aussi.