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La première goutte de pluie

jeudi 4 août 2016, par Grosse Fatigue

J’étais sur la terrasse en hauteur, c’est plus un pont qu’une terrasse, et même une passerelle qui va d’un bâtiment à un autre mais qui ne comporte en son extrémité qu’une porte et un mur à l’autre bout. Du côté de ce mur dorment des plantes grasses dans des pots, et comme toutes les choses rares - puisqu’elles sont d’ici, je veux dire du sud - comme toutes le choses vraiment rares, elles me plaisent et je leur fais la conversation.
Ça n’est pas rien de faire la conversation à un quelconque cactus après en avoir fini avec la bataille de pistolets à eau pendant laquelle il fallut imaginer des règles pour éviter la banalité de la cuvette renversée sur les têtes des autres. Les enfants dessinent tranquillement, le plus grand avec talent, le plus petit avec application. Moi, je me contente de raconter aux cactus comment la dèche ne va pas tarder à venir, aussi sûr que l’hiver viendra dans Game of thrones, c’est dire, aussi sûr, mais avec ce fatalisme familial que d’autres appellent l’atavisme.

Je viens de retirer ma montre afin qu’elle ne raye plus le métal gauche de mon ordinateur.

La dèche va revenir. J’ai dépensé cinq cents euros dans quatre pneus, et il va falloir penser à payer le livreur de bois, et toutes ces choses. En attendant, je raconte aux amis en commentant les devantures des agences immobilières d’Uzès qu’il vaudrait mieux que l’on achète une belle maison du côté du Ventoux parce que, si c’est comme ici, il y a quand même le Ventoux, c’est-à-dire les Alpes d’un coup d’un seul, comme ça, au milieu de la Provence. Et l’on s’invente des maisons à Biarritz et un appartement à Paris, la dèche me fait rêver, c’est bien.

Autrefois, mes vacances d’été étaient payées par la mère de mes enfants. Aujourd’hui qu’elle est morte, j’ai conservé le train de vie vacancier d’autrefois, sans m’avouer vraiment que je n’avais que les moyens de mes manques d’ambition. Il ne faudrait quand même pas que je vienne me plaindre : les cactus ne disent rien, je m’en remplirai bientôt les poches, moi qui n’ai jamais su y mettre des oursins.

J’ai acheté un appareil photo étanche. C’est utile en piscine.

Un vent frais et bienvenu me force à rentrer, surtout qu’une goutte, une seule, est tombée sur moi, de ce ciel gris et pour l’instant silencieux d’avant l’orage. Je lis le dernier bouquin d’Eric Orsenna, et je lui en veux un peu de parler du gratin parisien qui vit en province, de sa promenade avec Julien Gracq, et de cette généalogie que l’on s’invente. J’aimerais bien être Orsenna par exemple, mais j’ignore qui pouvaient être mes grands-parents, il faudrait inventer.

La dèche m’y poussera sûrement. En septembre, je mets mon âme sur Leboncoin.fr. On verra bien.