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Le parent d’élève

lundi 17 octobre 2011, par Grosse Fatigue

Le parent d’élève, c’est moi.
Dans la classe de 6ème de mon gamin, je lorgne vers la cour où traînent des bas de survêtements abandonnés. Ça sent la déflation, et ça sent aussi l’automne. Derrière des toits de tuiles on distingue les hauts platanes jaunissants du parc d’à côté.

Je déteste les parents d’élèves. C’est la haine de soi aujourd’hui.

Quand j’étais en 6ème G, je détestais les parents d’élèves. Sans doute parce que ce n’était jamais les miens. Les parents d’élèves ont des convictions sur ce qu’il y a de mieux pour leurs enfants. Et les convictions ont la vie dure. Et leurs convictions ne sont pas les miennes. Et la mère de David me détestait parce que je foutais le bordel en terminale. Elle a même demandé lors d’un conseil de classe mon éviction parce que je perturbais le bon déroulement des cours. C’était vrai. Je ferais peut-être pareil aujourd’hui maintenant que je ressemble en grisonnant à la mère de Larent qui n’était pas encore chauve comme moi. Les parents d’élèves ont toutes sortes de revendications. L’un d’entre eux était ravi que les devoirs soient interdits en primaire. Et que l’on enseigne l’art des tags en CM2 (véridique). En discutant avec lui, mon dernier argument s’est imposé à moi, comme un étouffement passager : un silence lourd, corporel, même pas de ma faute. Je n’avais rien à lui dire, nous parlions des langues étrangères. Les gamins ne savent pas bien écrire, et les gamins de prolos sont définitivement perdus pour tout le monde, malgré le discours angélique de l’égalité absolue et de l’épanouissement.

Faut que ça s’épanouisse tout ça, qu’ils disent.
Je me réveille en sursaut. La prof de français de 6ème vient d’intervenir. Elle nous dit : "Ne vous inquiétez pas et dîtes-le à vos enfants : l’orthographe n’a jamais été une preuve d’intelligence ! Et puis il y a des correcteurs orthographiques sur les ordinateurs ! Et puis ça n’a jamais empêché personne de trouver du travail, l’orthographe !".
Les parents présents écrasent un ouf de soulagement. Trois arguments pour le prix d’un seul. La prof de français ne s’aperçoit même pas qu’elle vient de se nier d’elle-même, qu’elle revendique son inutilité, et celles des enfants. L’orthographe, c’est comme le solfège en musique, ça ne sert pas à grand-chose maintenant que David Guetta vend des disques. Ça sent bon l’avenir...