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Mes gamins partent en vrille

lundi 30 novembre 2015, par Grosse Fatigue

Mes gamins partent en vrille, comme un Stuka en 1940, par exemple.

A l’origine, je croyais que mes enfants feraient des adultes formidables. J’avais décidé qu’ils n’auraient pas la même enfance que moi. Non pas tant parce que mon enfance était d’une laideur terrible - ça n’était pas le cas - mais parce que mes parents m’avaient tellement fait par hasard, voire par erreur, que les miens, les quatre, je m’étais dit que nous les avions faits comme on plante des fleurs, même si c’est parfaitement naïf de nos jours. Je me trouve seul quand j’y pense ce soir.

Nous avions une grande maison et un grand jardin, une grande pièce avec un piano au milieu et tout était grand et beau. Mon meilleur ami m’avait dit, le jour de la crémaillère, imagine si ton père.... voyait ta maison. J’étais bien conscient que c’était la femme de ma vie qui l’avait achetée, mais j’étais assez heureux je crois de pouvoir dire que je l’avais retapée, dans mon langage un peu minable, comme pour m’excuser. Les prolos retapent les maisons. Comme elle était anesthésiste, j’aurais dû me méfier. Mais j’avais confiance : quatre enfants, ça n’est pas pour rien.

Mais en fait si. La preuve.

Ce soir, ils ne sont pas là. Ils reviendront vendredi soir. Je m’habitue au silence. Un ami est passé dimanche soir il y a deux heures. Il a avalé sa salive en entrant dans la cuisine. "Tu t’y fais ?"

Telle était sa question.

Le grand plane tellement qu’il ne comprend parfois plus grand-chose à ce que son petit-frère et sa petite sœur comprennent parfaitement. La grande veut abandonner tout ce que l’on peut abandonner, et joue sur le fait que papa et maman ne prennent plus de décisions en commun. C’est alors plus facile de me dire mais papa : maman est DÉJÀ d’accord.

On abandonne tout. Ce n’est pas tant que je rêvais de cette éducation bourgeoise qui fait les enfants BCBG et cons comme des balais que l’on retrouve en fac de droit. Non merci. Mais en faire des musiciens et des dessinateurs, l’été au potager l’hiver pâte à modeler, c’était devenu ma vocation, une chanson à la Souchon. J’étais sans doute une espèce d’égoïste à faire de leur enfance ma nouvelle jeunesse. Mais c’était ainsi et c’était bien.

Aujourd’hui la petite tape son frère à coups de poings, et le petit me dit que le divorce c’est pas drôle du tout. Il rêve de travailler chez Marvel™ et invente chaque semaine un nouveau superhéros. Je sais qu’il faut rêver. Pour ma part, je manque d’essence. Les gamins partent en vrille et ce n’est pas l’adolescence qui va arranger les choses. Je ne sais plus quoi faire que de les prendre dans mes bras, les engueuler puis les consoler, m’excuser pour leur mère et pour moi, de ne pas avoir été à la hauteur. Je m’excuse pour nous. Nous : les adultes.

Les vendeurs de quotidiens me proposent de ne pas m’en faire : aujourd’hui tu vois, tous les enfants ont des parents cons et égoïstes, tu n’y es pour rien, ils s’en remettront. Ça fait trente ans que j’observe des enfants de divorcés. J’aurais préféré éviter. Et puis le divorce, ça dure longtemps, c’est comme le sud, plus d’un million d’années, pas toujours en été. D’autres me préviennent : fais-toi à la merde. Je me suis fait à la solitude. A la fin du DVD de ce soir, "Jeune et Jolie", je n’avais personne à-côté de moi pour commenter. Très bon film.

L’histoire d’une gamine qui part en vrille...