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Je regarde les enfants

mardi 1er septembre 2015, par Grosse Fatigue

Je regarde les enfants les miens ceux des autres. Je regarde les parents. Je vois les instituteurs. Nous faisons de notre mieux. Nous nous souviendrons des jours de rentrée, des jours de septembre, du premier jour. Les enfants ont la trouille et la boule au ventre et tout s’évanouit une fois les amis retrouvés.

Sous le préau.

Mais personne ne se souvient vraiment de son enfance. De l’école primaire, il ne reste à chacun qu’une ou deux images. Pas un nom, pas un visage. Quelques visions troublées par les années d’après, et, surtout, par l’inutile. Les souvenirs n’ont plus aucune utilité. Dès l’école primaire, la maternelle s’évanouit. Dès la sixième, la primaire s’en va.

Je me demande ce que les parents alentour ont pu conserver de leur enfance. Se souviennent-ils de l’immensité de la classe, de la taille des adultes, du monde vu d’en-bas ? Se rappellent-ils l’attente de la récréation, et de la cloche qui sonne ? La peur du directeur, parce que c’était le directeur ? Le sentiment d’injustice quand des copains nous oubliaient ? La solitude quand personne n’était là pour nous comprendre ?

Et les filles ? Moi, j’étais amoureux des filles. Que sont-elles devenues ?

Je regarde les gamins. Kevin a une panoplie Adidas™ complète. Survêtement, chaussures, T-shirt. Tout se fabrique dans leurs têtes là, maintenant, il est déjà trop tard pour la suite, pour apprendre la musique, pour changer de vie. Les petits parlent de choses sans importance. Les vacances de Charlotte n’intéressent personne. C’est le retour du superflu.

Je regarde les parents. Je vois ces deux-là, avec leur fille commune et leur éloignement. Je les vois se faire la bise. J’ai comme un pincement au cœur. Maintenant que ma Mathilde, leur mère, m’a annoncé qu’elle m’aimait encore mais que c’était fini, qu’elle était revenue et qu’elle était repartie, qu’elle m’avait encore mis à genoux et que je n’en demandais pas tant.... Je regarde ces deux-là et j’espère ne jamais en arriver là. Ne jamais lui faire la bise comme si, en majuscules, COMME SI DE RIEN N’ÉTAIT.

C’est sans doute à cause de la mémoire. Je me souviens de tout. Au début, c’est très pratique. Ça rend fainéant. Apprendre par cœur me prenait cinq minutes. Je me souviens des noms des instituteurs et des copains. Je me souviens de tout et je ne peux pas faire COMME SI DE RIEN N’ÉTAIT. J’ai l’impression d’être d’une autre époque. Le Grand Meaulnes et le Petit Nicolas. Les contemporains trouveraient mon logiciel mal programmé, comme obsolète.

Je regarde les gens dans la cour en m’éloignant. Je n’accompagne pas mon enfant en CE1. Je ne veux pas me souvenir. Je ne veux plus accumuler. J’aimerais très franchement tout oublier. Comme si de rien n’était.

A la radio, lointaine, un type me dit que tout va être robotisé. C’est presque rassurant.