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Alors pourquoi t’as fait ça papa ?

lundi 25 janvier 2016, par Grosse Fatigue

J’ai d’abord fait les crêpes salées pour les réchauffer le soir. Je cherche une technique de rationalisation de la crêpe salée à l’œuf mais rien n’est simple. Nous parlons avec les enfants, ça fuse, c’est Cap Canaveral avant l’ère de la privatisation de l’espace, avant l’invention de Charles Branson. J’en ai déjà parlé mais la chose me revient à l’esprit. Quand les enfants auront des enfants. J’ai un ami déjà grand-père, un ami un peu plus vieux que moi, un ami divorcé d’une première liaison aussi catastrophique que la mienne. Si l’exemple vaut mieux que la leçon, il faut bien avouer que nous manquons sacrément d’imagination pour nous voir nous-mêmes comme on est capable de prédire les autres ! Combien de fois ai-je vu chez les autres ce qui allait nous détruire tout en n’imaginant pas ce qui était inimaginable puisque j’étais, d’une certaine manière, croyant de mon "bon droit" ?

Hum.

Les enfant me parlent donc de leurs enfants et j’arrête là toute velléité de reproduction : nous avons déjà assez donné. Papa ! Tu veux pas de petits-enfants ?

Je précise aux mômes qu’il y aura suffisamment d’enfants sur terre quand ils seront en âge d’en faire, que la famille n’est pas une valeur sûre : regardez les saloperies perpétuelles que nous fait subir votre mère, alors franchement, vivez donc votre vie, oubliez la famille, j’ai toujours pensé que la famille, c’était l’enfer !

Alors pourquoi t’as fait ça papa ?

Parce que je me suis mis à croire. J’ai cru que je pouvais éviter à mes enfants ce que mes parents m’ont fait : rien. Mes parents ne se sont pas occupés de moi, alors je me suis dit que j’allais m’occuper de vous, que l’on aurait une balançoire dans un jardin, un chat, de la lumière, un potager, des hamacs, des amis et du vin et des chansons italiennes, des choses romantiques.

Mais c’était vrai ?

Pas vraiment. Maman ne m’a jamais aimé. J’étais sans doute comme un bon copain, mais rien d’autre. Je m’y suis fait. J’attendais patiemment et dans le confort qu’elle s’aperçoive un jour que j’étais super-formidable et qu’elle tombe amoureuse de moi.

Et alors ?

Et alors il ne faut pas croire à tout cela. Quand ça arrive, ça ne dure pas, quand ça n’arrive pas, on perd son temps. Le vrai amour, c’est comme le vrai génie : il ne vaut mieux pas que ça vieillisse.

Mais on est là, papa, quand même !

Ah, mais merci les enfants ! C’est à moi de m’excuser, pas à vous ! Je veux juste vous éviter l’erreur d’y croire ! A votre avis, combien de familles heureuses parmi celles qui ont survécu ?

Dis-nous !

Eh bien je n’en sais rien. Et je préfère jouer au loto plutôt que de prendre les paris : j’ai bien plus de chances de gagner. Non, franchement les enfants, optez plutôt pour le Transsibérien et voir du pays, inventez des nouvelles architectures, écrivez des romans, continuez la musique, peuplez vos vies d’amis, de vrais amis, apprenez à faire la cuisine et partez au Vietnam ou à Cuba avant le retour de la baie des Cochons et de leur Coca-Cola™, la famille n’en vaut pas la peine !

Mais papa, on est une famille !

Non, je suis un père avec ses enfants ! La famille est une idée, une illusion, presque une utopie. Vous avez mieux à faire qu’à tenir cette promesse qui finit soit dans l’ennui obligatoire, soit dans la trahison ! Apprenez le nom des arbres et l’essence des bois, c’est toujours mieux que de toucher des allocations familiales !

Tu en touches papa ?

Ah oui tiens, beaucoup moins qu’avant, mais oui. On s’en passerait bien.

Tu veux dire qu’il ne faut pas faire comme toi ?

A regarder les familles des autres, je n’ai plus envie. Notre famille était une belle vitrine. Nous avions vraiment envie de vous élever au sens noble. Mais là, je vais faire de mon mieux. Ce sera différent.

Et ça t’embêtera pas ?

Non, ça m’embêtera pas que vous soyez libres les mômes, mais alors, pas du tout. Il n’y a pas d’exemple à suivre : il faut douter.