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Et pour clore le tout : passer devant le juge

lundi 28 septembre 2015, par Grosse Fatigue

Il y a eu les naissances et les voyages.
Les escaliers au Mexique. Le volcan dans un village. Les enfants des ruelles qui n’avaient pas faim. Les peintures Coca-Cola™.

Les certitudes et le sable salé de Biarritz. Les locations à l’automne et l’été dans les Alpes. Il y a eu les premiers pas et la fierté. Il y a eu quatre enfants dans le jardin. Et ne pas oublier la balançoire. Il y a eu le chat et quelques animaux. Et le grenier que l’on a retapé. Et les abricots en 2003. Il y a eu les Noëls à la maison. Les cadeaux et les grands yeux ronds. Il y en a eu des choses, et c’était beau.

Les surprises de mes quarante ans. Les amis sur le peyron. Le champagne.

C’était bien.

Il y avait les amis chaque été, comme un pèlerinage. Ceux qui venaient de New-York ou ceux qui venaient de Nantes. Il y avait tes parents Philippe, il y avait ton père. Il y avait David qui passait une fois par mois. Et David sera toujours David. Il y avait les voisins.

Comment oublier César et Rosalie ?

Comment ?

Des livres en vagues sous le lit. Tout lire. Lire tout. Les photos des enfants et le laboratoire noir et blanc. Nos dosages hasardeux. Les tirages et les encadrements. Les cadres vides. Il y avait des milliers de photos et des tas de meubles et des brocantes et des lampes chinées. Il y avait les soirées à boire et des amis à la pelle. De vrais amis. Avec du cœur, de la grandeur d’âme et d’esprit. Il y avait le Galibier et courir en montagne autour du petit torrent canalisé. Les glaces l’été et les crêpes le dimanche, où l’on mettait trop de bière ou pas assez. Il y avait mon frère, ma sœur et mon neveu. Il y avait les escapades à Paris. Il y avait Rome. Bon sang : Rome.

Amish Kapour à Bilbao. Et la grande araignée dehors.

Et les poussettes molles à cause du plastique. Soulever. Monter les trottoirs. Redescendre.

Et aller au parc, tous les dimanches.

Le plombier obèse coincé à la cave.

Il y eut New-York. Des cartes, des musées, Central Park.

Un, puis deux, puis trois, puis quatre.

Le gamin de quatre ans et demi, le regard dans le vague, le tout dans mes bras, à vomir, torticoli, céphalées. Le gamin qui allait mourir puisque tout le monde l’avait dit. Il y a eu ce moment ou elle a dit, avec son ventre rond et la troisième dedans : "Je ferais tout pour qu’il ne souffre pas". Et cet autre moment, quand Benoît est apparu dans le couloir, en survêtement, avec une banane et son allure de beauf antillais, bégayant : "C’est kystique". C’était kystique. Ce n’était pas un beauf.

Il y avait le projet la maison le jardin encore et toujours et la terrasse et les voiles, mettre les voiles. Des jours entiers à décoller les années cinquante et à repeindre avec la mauvaise peinture. Et faire des bibliothèques. Et faire travailler les enfants. En faire des musiciens.

J’ai pleuré quand le grand a réussi le concours de piano six mois après son hospitalisation. L’impression d’être vivant.

Se réveiller, encourager les enfants et faire les courses. Les regarder grandir et aller au basket.

Parfois au ski. Mais il faisait trop froid.

La cour d’autrefois. Les amis dans la cour. Le transat bleu. Le gros ventre dans la robe pourpre. La robe noir et blanc que m’avait vendue Elisa. Même pas dix-huit ans. A New-York la star maintenant.

Le passé.

Continuer.

Sur la terrasse en bois vert près de la Poste, se dire qu’on l’a échappé belle. Qu’il est vivant. Puis retourner en enfer, l’ouvrir à nouveau, et l’extraire.

Puis Paris. Le kiné tous les quinze jours. Et rien à faire. Les filles en Normandie, en arrière-plan, le Ferry. Dans ma tête, je refaisais le Débarquement. Dans les toilettes de la maison de vacances, j’ai relu un chapitre du Capital.

Les autres abandons. Cécile et Laurent, puis Sami et Laure, j’en oublie encore. Thomas. Déborah. Il y en a tant. Fred et Bertrand.

Regarder les couples de vieux qui s’aiment encore. Un peu la boule au ventre.

Ma bagnole en panne. La vie rythmée par les voitures. Les enfants à l’arrière. Adèle et Michael Jackson.

C’était à l’époque papa ?
Dis papa, cet enjoliveur, c’était ton bouclier pendant la guerre ?

Et les projets d’agrandissement. Et les arnaques. Et les plombiers nuls, et les demandes de permis de construire et le gros con d’architecte des bâtiments de France.

Et dormir chez des amis.

Et les soirées à l’internat.

Et les soirs de garde.

Et le matin à 7h17. Les lendemains de garde. Réanimer un nouveau-né. Faire cours. Faire long.

Fournitures scolaires et courses pour une grande famille.

Ils sont beaux vos enfants. On vous voit dedans tous les deux.

Passage en sixième et musique et fanfare.

Seize ans comme ça.

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Le sablier qui s’arrête.

Et passer devant le juge dans un mois.
Oui madame le juge. Bien sûr madame le juge.

En finir : c’est exactement cela.

Merci madame le juge.

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