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Surtout pas d’amalgame

vendredi 23 mars 2012, par Grosse Fatigue

Surtout pas d’amalgame. C’est ce que je dis à ma dentiste dès qu’elle retire ses doigts de ma bouche. Pas d’amalgame. Il faut savoir, mais je l’ai déjà dit, que les dentistes français font du racisme de classe. Ils croient bon que nous autres, les enfants de prolos élevés aux sucreries, portent à jamais les stigmates de ce manque d’éducation avec, au fond de la bouche, des plombages noirs pour nous montrer à la vindicte des belle dentitions. J’insiste pour qu’elle me colle de jolies céramiques, bien que, sans illusion, celles-ci se détachent rapidement et me revoilà la mort dans l’âme dès qu’il s’agit de sourire à une fille de moins de trente ans (la limite d’âge pour être une fille à mes yeux). Et puis, franchement, je sais de quoi j’ai l’air, que l’on se rassure. Surtout depuis que l’une de mes étudiantes m’a dit que j’avais le même humour que sa mère, qui avait 46 ans. Quand j’ai su que j’aurais pu être son père, j’ai senti que ma libido était à jamais condamnée.

Pas d’amalgame.

Il ne s’agissait pas du dentiste. J’ai encore dérivé. Il ne faut pas mettre les voiles, ça fait dériver trop loin.

Pas d’amalgame.
Voilà ce que nous disent les religieux de tous poils dès qu’on les montre du doigt. Pas d’amalgame. Si seulement ils partaient en guerre contre les dentistes, j’en serais ! Si leurs églises prônaient la céramique, j’en serais. Mais qui croit encore à ceux-là ? Pas d’amalgame ?

Je regardais Vénus l’autre soir dans la brume, malgré les lumières orangées de la ville. Puis Mars. La vieille lunette astronomique est vraiment vintage et bancale. Les planètes bougent un peu vite mais reviennent des souvenirs du club astronomique de troisième, à l’époque où le prof de maths, monsieur Taillefer, m’avait tiré par la manche le jour où l’on regardait le soleil mais avant que l’on ne mette le filtre. A l’époque déjà, je détestais les dentistes et les curés.

Je regardais Vénus et l’infini. Puis Mars. Je regarde souvent la Lune en suspension. En points de suspension. Je sais qu’elle s’éloigne de nous et, si c’était volontaire, je lui donnerais bien raison. Il faudrait subventionner les lunettes astronomiques, les télescopes dans toutes les écoles, et même dans les écoles privées. A la place des ordinateurs inutiles [1], une longue-vue sur trépied. Et l’infini à portée d’œil.

Regardez là-haut. Il n’y a personne. Alain Souchon est le seul prophète : le ciel est vide. Vivre et mourir pour le vide sidéral, non merci. Qu’est-ce que j’en ai marre des croyants de tous poils. Même les gentils m’énervent. Les pires ? Ceux qui défendent la laïcité au nom du respect de toutes les croyances. C’est la lune qu’il faut respecter. Plus froidement : la science et sa poésie.

Si les Païens n’avaient pas une telle tendance à l’extrême-droite, j’en serais bien. A regarder l’arbre en fleurs chez le voisin, une spiritualité suffisante et inoffensive.

Lever la tête, oublier le dentiste, regarder Vénus.

J’ai du pain sur la planche.