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Le 20H de France 2 du 11 novembre 2015

jeudi 12 novembre 2015, par Grosse Fatigue

Le titre est simple et descriptif. Je m’adresse aux archéologues des médias, qui, en 2159 ou plus tard, devant un buste de Régis Debray, s’attarderont sur l’enregistrement du journal de la télévision publique de ce qui reste de la France, en cet hier du 11 novembre 2015, cette manipulation sublime.

Les enfants ont insisté pour le regarder, parce qu’ils aiment comprendre le monde et faire des commentaires. Parfois j’accepte, malgré mon combat permanent contre les écrans, et surtout contre celui-là. Il s’agit de comprendre un paradoxe. Car le monsieur dans le poste commence par nous montrer un type se promenant sur la ZAD de Notre Dame des Landes, où des fous courageux nous proposent un autre monde. Ils sont plus ou moins en guenilles, ce qui nous attend si nous ne pensons pas comme eux, et nous expliquent les vertus du temps lent, des champs et des oiseaux, de l’entraide et de la nature, et l’absence totale d’intérêt d’un aéroport dans une ville qui en compte déjà un, et dans une région à l’ouest où d’autres aéroports sont sous-utilisés. (Et c’est tant mieux). Ma fille me demande ce que je pense de ces gens-là et je dois avouer que j’admire leur courage, moi qui rêve encore d’un vélo en carbone ou d’une imprimante noir et blanc. Moi qui suis incapable d’aller plus loin que mon clavier pour soutenir les fantassins d’une écologie évidente. Oui, je suis d’accord avec eux.

Puis vient le commerçant. C’est important le commerçant. C’est un monsieur ventru pas content, ventripotent et repus, comme les commerçants de la grande distribution. Ce n’est pas qu’il est contre les activistes, non, il y en a des biens, c’est qu’il trouve qu’ils n’ont rien à foutre ici, et, il faut bien le dire à sa place, il pense sans doute qu’un gros aéroport lui amènerait plus de clients que des milliers de limaces, de hérons ou de paysans bio. Comme il a raison le gros monsieur !

Papa, t’en penses quoi de ce qu’il dit ce monsieur ?

Je pense que c’est l’un des maîtres du monde : c’est un commerçant. Il ne faut jamais écouter les gens qui ont quelque chose à vendre. Sauf quand ils jouent de la guitare dans la rue, mais c’est rare.

Le petit : tu crois qu’il joue de la guitare ?

Non, je crois qu’il joue son rôle, et que le journal de la télévision publique est en train de nous faire croire que les méchants sont gentils et l’inverse aussi, comme dans la chanson de Michel Fugain qui est ironique mais dont on comprend le sens quand on n’a plus sept ans, comme toi petit. En fait, je pense que ce "reportage" est payé par les investisseurs de l’aéroport, par le pseudo-gouvernement "socialiste" et par une ribambelle de bétonneurs et de progressistes technoïdes, qui se moquent bien de manger bio en croyant qu’ils guériront du cancer grâce à des nano-particules encore à l’état imaginaire.

Mais ça n’est pas tout. Car, par la suite, on nous explique ce que le réchauffement climatique va induire, dans notre douce France. Pas de panique bien sûr, on pourra toujours skier, mais au-dessus de deux-mille mètres. On aura toujours du vin, mais un peu plus alcoolisé. Bref. On s’adaptera. On s’adaptera puisqu’il faut bien un aéroport inutile en plus, du kérosène pour faire des lignes blanches dans le ciel sauf les lendemains d’attentat aérien, il faudra continuer à bouffer dans les supermarchés où des commerçants ventripotents nous expliqueront la croissance et l’emploi, et surtout le bonheur d’acheter des salades sous vide à côté d’un aéroport dont les pistes auraient pu faire des potagers gigantesques pleins d’artichauts et de potimarrons, de laitues et de fraises, le tout dans la joie des petits matins de printemps ou dans la couleur des soirées d’automne. Alors quand certains croient encore que des gens en cravate vont "négocier" le climat au sortir de leurs hôtels climatisés, la semaine prochaine ou dans deux ans, rions mes enfants, rions.

Ma récolte de potimarrons n’est pas phénoménale cette année. Le départ de ma fermière m’a foutu le cafard, les herbes folles poussent dans le jardin, je n’ai pas eu le courage de remettre les cochons d’Inde en cage. Mais nous allons planter des haricots et des petits pois, retourner la terre à la main, éteindre la télévision, voire la donner à des pauvres tant pis pour eux, et essayer de dire à des gens pas sourds qu’il existe un autre monde.

T’es sûr papa ?

Non, pas trop en fait.