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Israël, Natacha, Alexandra. Et toi et moi.

jeudi 15 octobre 2015, par Grosse Fatigue

Je n’en parle plus du tout, j’évite le débat, je ne prends plus parti. Dieu sait que je prends parti habituellement, mais là, je ne veux plus prendre parti. Je suis un lâche. Il n’y a rien à en dire, rien à faire, tout est lamentable et détruit, tout est fait exprès, tout est d’une grande laideur, et l’on pourrait croire que le progrès nous amenait ailleurs et pas là, et l’on avait tort car c’est aujourd’hui et ce sera toujours pire. Pas de dialogue possible, ou bien ce dialogue de sourds que l’on nous sert depuis des décennies et qui durera des siècles, jusqu’à ce que la première scène des Invasions Barbares se réalise, où la démographie l’emportera dans un camp ou dans l’autre, car tout sera devenu invivable et qu’il n’y aura plus de pierres à lancer.

J’ai dit : la démoGRAPHIE.

>http://blogs.afp.com/makingof/?post/ceux-qui-se-deguisent-en-arabes

Voilà à quoi j’ai pensé en voyant ce reportage effrayant sur Israël. Normalement je crois, prendre l’uniforme de l’armée adverse est un crime de guerre et les Allemands l’ont payé du peloton d’exécution dans les Ardennes fin 44. Souvenir lointain. Il est vrai que les Palestiniens n’ont pas d’uniforme. Il n’ont pas de forme. Ils n’existent pas. Ils n’ont pas de soutiens. Et quand ils en ont, ce sont les mauvais. J’ai même entendu à la radio hier Dominique Moïsi dire qu’Israël était peut-être une mauvaise idée. C’était d’une grande tristesse ce constat d’impuissance.

Alexandra voit dans mes yeux les préoccupations du moment. Elle me dit « Lâche l’affaire ». C’est qu’elle voit dans mon histoire récente son histoire permanente et dans la mère de mes enfants le père de sa fille. C’est la même merde et crois-moi, ça va durer.

Je repense à Natacha M. quand nous étions enfants. Elle était arrivée en CE2 je crois ou bien l’année d’après. Elle était brune avec de grands yeux noirs et son visage d’enfant je le revois dans le désert du Sinaï sur la page internet. Elle vit là-bas et je sais qu’elle n’est pas du tout comme ça. Je sais que c’est une fille bien et une bonne mère et j’aimais son visage étrange et son corps grandi d’un coup en oubliant les seins comme une Birkin aux yeux sombres. Natacha M. ne m’aimait pas du tout il faut dire qu’elle avait de bonnes raisons mais moi je la trouvais vraiment très bien et je suis sûr qu’elle l’est restée. Natacha, pourquoi es-tu partie ? Et pourquoi ces hommes font-ils semblant de lancer des pierres avant de sortir des pistolets ? Es-tu de leur côté ? Je ne peux y croire. Il te reste la fuite ou le retour mais pourquoi es-tu partie ?

Alexandra me dit laisse tomber pense à ta vie et à tes enfants et tant pis pour leur mère si son manque d’élégance reste le dernier coup de couteau sur vos années de bonheur si tu veux. Alexandra me dit qu’il n’y aura plus jamais de dialogue, que l’éloignement mène à la haine, qu’il faudra gérer les enfants et penser à autre chose, que c’est bel et bien foutu pour foutu. Je ne veux pas y croire, il y a cet hommage de Bernard Lavilliers à Eric Le Tournu, un bon joueur de sax, « C’est une fugue un rien, t’es parti comme on sort, tu vas téléphoner, demander des nouvelles, des petits, du poème, qu’on écrivait ensemble, dans nos nuits électriques, tu es parti tout seul, tu as coulé à pic… » Alexandra me dit qu’elle ne connaît pas cette chanson de Lavilliers et je lui explique que c’est un poème qui me rappelle l’impuissance passée à la même époque sauf que je ne chantais pas parce que j’étais gamin et que Lavilliers était sur scène en 78 pour en tirer son Live avec cet hommage que j’aime tant à un copain perdu.

Un autre ami vient et me confie que la littérature au vu de ce que je vis, ça ne sert à rien et qu’elle n’a rien appris et History teach us nothing et c’est la vérité. J’ai vécu tant d’années avec elle et nous lisions les mêmes livres mais les livres ne sont pas des leçons sur la vie, c’est juste une manière de combler le temps.

La littérature ne sert à rien.

Lâche l’affaire.

Puisque même les livres et la musique, même les enfants et les photos en gros plans de leurs grands yeux fantastiques de science-fiction et de séjours sur Mars dans un avenir proche, ça n’existe que pour rien, que pour combler nos impuissances.

Lâche l’affaire, arrête d’y penser.

Oui mais Israël ? Voilà ce que je me disais, oui mais Israël ? Voilà donc nos destinées ?