GROSSE FATIGUE cause toujours....

Accueil > Les grandes illusions > Delphine en juin

Delphine en juin

lundi 27 février 2012, par Grosse Fatigue

Je me souviens souvent de Delphine en juin. Un juin où l’herbe est haute et le temps orageux, le juin des films où l’été menace. Le temps chaud et humide mais le bonheur de s’allonger parce que l’herbe sèche vite.

Je veux dire : je me souviens de Delphine en juin, même si aujourd’hui, par exemple, c’est encore février.

Delphine.

J’allais chez elle en mobylette parce que son village était loin. C’était beau comme du foin. Ma mobylette™ tombait tout le temps en panne c’était le temps du made in France, et les mobylettes™ n’avaient pas changé depuis l’après-guerre. Tout était loin. Même le téléphone était loin, et coûtait cher. Et on n’en avait qu’un. Les choses d’hier ont une drôle de forme quand on voit aujourd’hui pourquoi on les abandonne. Il y avait comme un privilège à posséder un téléphone à touches. Orange.

En juin j’essayais de lui toucher les seins. Ça n’avait rien de simple. J’étais un peu con déjà. Et puis ça ne lui disait rien. Les filles sont encore plus mystérieuses qu’un orage au loin quand elles vous larguent les amarres. Parfois elle voulait bien que j’en vois la pointe. Mais c’était rare et sacrificiel. Et un seul à la fois. Et puis très vite elle me faisait comprendre qu’elle s’ennuyait avec moi. Alors que, alors que, par exemple : j’étais même pas encore chauve ! Elle n’aimait pas embrasser. Elle n’aimait pas avec les mains, avec les doigts, avec rien. Elle n’aimait pas, ça suffit comme ça. Alors j’insistais. On insiste toujours au lieu de s’excuser. J’aurais dû m’excuser et partir d’un grand rire. Mais n’est pas Depardieu qui veut. C’était pas les valseuses. Pas de canal où balancer. Et puis je ne sais pas vraiment nager. Les filles intellectuelles m’ont toujours laissé sur ma faim. Tant au niveau intellectuel qu’au niveau charnel. C’est comme un fait exprès. Alors que les filles charnelles m’ont toujours laissé sur ma fin. Les filles juste charnelles, c’est bien. Mais si ça lit Paolo Coelho, on débande vite.

Mais pourquoi en parler, si loin, un vague souvenir, une esquisse, comme une simple trace assez lointaine maintenant.

Justement : à cause de la trace. Il me reste des quatre mois d’amour de Delphine une trace dans un champ avec de l’herbe plein les cheveux et des interdictions plein ses mains. Et puis la trahison finale quand, après m’avoir jeté elle invite tous mes amis à une fête chez elle, elle qui n’aime pas les fêtes. Et tous de la voir avec un autre qui n’a pas du tout l’air de s’ennuyer. Et j’ai l’impression que Delphine a jeté les grandes règles de ma vie amoureuse en général, la grande architecte tonique du futur.

Delphine : as-tu froid au Canada ?