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Pas actuellement
dimanche 20 septembre 2015, par
L’ex-femme de ma vie m’a enfin avoué qu’elle ne m’aimait pas. Après avoir lancé une procédure de divorce par consentement mutuel, puis l’avoir abandonnée, après avoir lancé une seconde procédure de requête en divorce où chacun prend un avocat pour dire à l’autre ce qu’il lui veut, et l’avoir abandonnée, après être revenue vers moi en me disant que je lui manquais à chaque instant, après l’avoir quitté, après être retournée vers lui, après m’avoir dit que la nostalgie ferait qu’elle ne pourrait pas vivre sans moi, après avoir accepté ma procédure de divorce tout en précisant que c’était à regret... Après être partie vivre chez le roi des cons avec mes enfants, après avoir pris un appartement près de chez lui, après m’avoir dit que tout ce qu’elle a fait avec lui, elle aurait voulu le faire avec moi, après m’avoir emprunté le monospace pour déménager ce qui restait de chez lui pour finalement aller faire de la moto avec le clown, après m’avoir dit qu’en sortant du cinéma, elle pense à moi, qu’elle ne peut voir un film sans moi, qu’avec lui elle s’ennuie, après tout et son contraire, eh bien, elle m’a dit cela...
Elle m’a dit : "Non, je ne t’aime pas actuellement."
J’étais soulagé. J’ai vécu avec une femme qui ne m’aimait pas pendant dix-sept ans et la moindre des choses - à la manière de celui qui peut faire son deuil - c’est d’avouer que je ne t’aime plus et j’en suis désolé. Mais là, je n’ai jamais vu cela. J’ai cherché dans Google. Je n’ai pas trouvé. Personne n’avait jamais dit ça dans l’histoire de l’humanité au père de ses quatre enfants, à son ancien amant, son ancien amour, son ex. Tout simplement parce que ça n’existait pas. Voilà que la mère de mes enfants invente l’amour sinusoïdal, ça va, ça vient. Là, mercredi dernier au téléphone, c’était off. Et je jure que je n’invente rien. Parfois j’invente il faut bien, c’est comme une protubérance, ce qui me passe par la tête. Mais là, la réalité dépasse ce que vous savez. On nous avait tous prévenus. J’en fais les frais.
Mes amies m’avaient prévenu : tu n’écoutes que ce que tu veux bien entendre. Ou le contraire. Je lui ai fait répéter la phrase.
Actuellement.
Je ne t’aime pas actuellement. Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Est-ce encore une promesse pour me garder en orbite pas trop loin, pour le jour où elle s’ennuiera définitivement du clown pas drôle qui la fascine malgré l’ennui ?
Je préfère ne pas savoir.
J’ai pris mes sentiments, je les ai mis dans un sac en plastique, et je les ai jetés dans une poubelle. J’ai pris ma raison et mon clavier, j’ai essayé de lui écrire une dernière lettre. J’ai fait simple. J’ai fait de mon mieux, comme Romain Gary m’avait dit de le faire. Je lui ai dit non merci plus jamais. A peu de choses près, c’est ce que j’ai dit. J’ai abandonné tout espoir car il ne s’agissait pas d’espoir.
Maintenant je sais qu’il faut s’habituer à des Noëls sans maman, à des nuits sans sommeil, à des semaines sans enfants, à mes cinquante ans qui viennent, au temps perdu comme dans la chanson de Trust, il faut assumer ses mauvais choix et ses erreurs, il faut aller de l’avant, tout ce que je suis incapable de faire. Mais je vais essayer.
Actuellement, je vais essayer.