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La plupart des petits maires

lundi 20 février 2012, par Grosse Fatigue

En roulant à vélo casqué botté par deux degrés en campagne, on traverse des villages. Abandonnés. Du moins bien plus vides qu’avant 1913, quand la France était vraiment rurale et les moissonneuses-batteuses seulement américaines et peut-être même pas encore inventées. Des porcheries cachées derrières les haies se devinent par l’en-dessous, le cochon se vide et se trahit par la narine. La narine me peine, pour le mot. Quelques vaches crottées nous regardent pleines d’interrogations, avec ces visages à la Jean-Paul Sartre sans les lunettes. J’aime les vaches. Depuis la pochette de Pink Floyd sans doute.
Et sur les prés les plus près des clochers, de grandes pancartes racolent les investisseurs : opportunité de terrains viabilisés.

Comme les porcheries d’un peu plus loin, tout est prévu pour y faire ses besoins afin qu’un bout de la classe moyenne - je ne sais quel bout ni vraiment quelle classe - y vienne se ranger en pavillons avec jardins standardisés, Renault Scenic, potager minuscule et piscine gonflable. Quel intérêt a-t-on à s’installer à la campagne si c’est pour y vivre dans un labyrinthe conforme ?

En passant devant à trente kilomètres à l’heure, je sais bien que je n’y peux rien, et j’essaye tant bien que mal de me tenir à l’abri derrière un ancien compagnon d’échappée de Poulidor, 69 ans, pure vérité. Je préfère passer vite. Si je devais m’arrêter, et si j’avais un marteau, si Claude François était vivant, enfin bon, avec des si... j’irais bousiller dans l’allégresse ces grandes pancartes. Ou si je gagnais au loto, je rachèterais les terrains pour y laisser pousser l’herbe verte.

Constat d’impuissance.

Perpétuel.

Les petits maires sont ravis de l’opportunité des prés à tondre, à repeindre au cordeau, à goudronner les pâquerettes, en étouffant les hérissons. Les petits maires font de l’aménagement. Tout cela disparaît. Enfant, le peuple des pavillons est venu polluer le bout de mon jardin, avant de percer des routes entre les maisons, aujourd’hui incongrues et comme orphelines. La laideur plaît beaucoup, aussi vraie que la musique qu’on nous impose. Pour éviter l’extension du domaine de la ville, du mobilier en pain et du parpaing aujourd’hui garanti développement durable, il faut aller encore plus loin, là où personne n’ira, parce que c’est vraiment trop loin. Vive l’augmentation du prix de l’essence.

Et en écrivant tout cela, je m’aperçois que l’unique point commun de mes amis est d’habiter dans de vieilles baraques. Sans doute un luxe.