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Supermarket madness and non événements

lundi 30 mars 2015, par Grosse Fatigue

Voilà, tout à l’heure, au supermarché, j’ai laissé mon chariot pour aller lire la presse tranquillement et sans payer de mine parce que mon niveau de vie revient à l’étiage normal. J’ai longtemps pensé qu’un jour la crue finirait. J’ai donc laissé mon chariot et rempli celui d’une autre par hasard, parce qu’il trônait là, comme dans un roman de Houellebecq mais en vrai. Puis la femme est venue vers moi et m’a demandé si les préservatifs ultra-grande taille pour sauver les éléphants d’Afrique des braconniers avides de profits étaient bien à moi et, si oui, pourquoi j’avais obstrué le siège de la petite avec ce genre de ballon géant ?

J’avais une botte de carottes à la main avec les fanes pour les Cochons d’Inde et j’ai vu des éléphants de la même région du monde en rêve, car je rêve un peu de voyage voyez-vous. C’est qu’à chaque fois que je fais les courses, j’ai gardé l’habitude de penser à la mère de mes enfants et au fait que je fais les courses pendant qu’elle travaille dur et, comment dire ? Et je me sens coupable.

La femme m’interpelle à nouveau : "Ouh-ouh, monsieur, vous êtes là ? C’est juste que votre femme, ben, elle vous a quitté. Faudrait passer à autre chose ! "

J’avoue que je ne suis pas là. Comme dans le film sur Gainsbourg, j’ai des visions. Ce n’est pas un autre moi au-dessus des têtes de gondoles qui se fend la gueule ou m’invite au mal. Non, j’ai vu à l’horizon de la vitrine du boucher, derrière les chocolats dont je finis une tablette trop chère, le nuage du cafard arriver parce que je pense trop et, bizarrement, je pense comme on écrit au brouillon. Tout cela n’est guère clair et j’achète de la crème noisette biologique comme si le reste ne l’était pas, comme si le reste était minéral, figé, en 3D, comme si le reste était un film. Des cafards passent entre les boîtes de céréales. Halloween™ en mars.

Merde, je deviens fou me semble-t-il. Sans doute les médicaments, je suis sous antidépresseurs, j’ai honte. Je ne sais pas comment mon âme réagirait sans eux. Mes amis m’ont dit de continuer à les prendre car je suis occidental et que, quand même, le bien-être, c’est naturel. Moi qui refuse le confort outré. Mes amis me disent de contribuer à l’industrie pharmaceutique, au bien-être des actionnaires... Je n’en ai pas envie du tout, mais c’est trop tard. Ce soir, acheter des suppositoires, oublier les suppositions. Si l’industrie pharmaceutique avait découvert ses molécules plus tôt, en 1914, les Poilus auraient eu fière allure. On ne serait pas mort forcé.

Enfin bon. On serait mort quand même. J’ai parfois envie de dormir jusqu’à la mort, à cause des rêves où l’on est resté jeune.

La dame me regarde et parle au vigile devant moi. Il est grand et gros et n’aime pas les Gitans. Je lui demande s’il a voté hier pour les départementales et pour qui, mes carottes à la main, en lui disant de se les mettre profond s’il avait voté Marine mais voilà qu’il me dit qu’il aurait bien aimé mais que voilà, "y’avait pas au second tour". Alors il n’est pas allé voter mais qu’il aurait bien aimé. Il n’a voté qu’au premier tour. En ajoutant, à l’adresse de la dame, qu’il déteste les Gitans de toutes façons.

Je me demande en quoi ces élections ne seraient pas simplement un non-événement, quelque chose de totalement dérisoire sur la marche du monde et celle dans ma tête, pourquoi en parler autant alors qu’on s’en fout et que j’ai fini ma tablette de chocolat, et que ça va à peine mieux. J’ai envie de fuir à Cuba ou à New-York, oui, New-York, ou non, encore plus loin mais pas trop, pas de quoi faire le tour. Mais je ne peux pas fuir, j’ai plein d’enfants qui me demandent de leur apprendre à conjuguer leurs illusions.

Le monsieur en blouse demande à la dame s’il s’agit de moi qui s’agite et je répond que oui, le sagittaire s’agite n’est-ce pas ? Il rit en parlant de Françoise Hardy et me dit que oui, décidément, rien n’a d’importance, les pluies s’étendent vers le nord-ouest, les départementales n’ont aucune importance sur la vie du vigile qui court après un Gitan là-bas. Il me demande si je suis sagittaire. Agité me suffit bien.

J’ai envie d’une femme dans chaque ville mais pas dans les ports, je suis plutôt typé montagne. Une femme de moins de trente-cinq ans pour me la jouer beau gosse vieux beau vrai fou, qui attendrait dans un lit avec moi l’arrivée de l’été et le rajeunissement de nos cellules ailleurs que dans un cachot, dans un grand lit très grand avec vue sur le parc. Si tu es celle-ci petite, écris-moi...