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La maison vide

lundi 6 avril 2015, par Grosse Fatigue

Je me souviens moi de ce musicien, c’était l’automne à la maison.... On écoutait la chanson de Michel Polnareff quand j’étais gamin et c’était mon Bowie à moi et je n’exagère rien. Avec mon frère restant on pensait à notre frère perdu qui était un peu musicien aussi, pas du violon, de l’harmonica, et puis jongleur et puis tout ça. Alors sur le trente-trois tours on remettait le diamant sur la plage de la maison vide et l’on écoutait encore. J’ai toujours un peu peur des maisons vides.

Sur l’autoroute embouteillée ce soir, en rentrant de loin, je pensais aux gens heureux du carnaval de Toulouse, aux photos réussies et aux photos ratées, le tout en noir et blanc sur le pont les gens dansaient. Je pensais à Nougaro, à l’Espagne qui pousse un peu sa corne, à des anarchistes mes frères alentour, à ces filles jolies qui souriaient et à celle qui figure sur la photo réussie, un beau masque et des yeux derrière, un sourire formidable et j’ai bientôt cinquante ans.
Sur l’autoroute dans les embouteillages, ma grande bagnole vide, et dans les voitures des autres, des amis des familles, des gens heureux avec des lunettes de soleil, assis dans des marques étrangères et fiables, enfin, j’imagine. A rouler au pas, on se regarde. On pourrait presque s’apostropher si les téléphones n’occupaient pas autant les mains des passagers. Sur l’autoroute, les pauvres roulent toujours trop lentement.

Etre de passage.

Dans la maison vide ce soir j’ai les larmes aux yeux. La chatte cherche mes enfants. Elle entre et sort et me questionne. Je cherche un peu de contenance. J’ai vu des gens heureux aujourd’hui et hier aussi. Mes filles m’ont appelé au téléphone. J’hésite entre le suicide et gagner au loto, le hasard est mon allié, mais je lui ai trop fait confiance, c’est certain. Mes filles m’ont appelé ce soir. Il faut manquer à quelqu’un et elles me manquent aussi, un mal qui fait mal au ventre, une condamnation : la moitié du reste de ma vie sans voir ses enfants. Définition de la garde alternée. Je voudrais juste qu’ils soient là. La sève des enfants est un remède puissant. Mais là, bon, je ne suis pas beau à voir. J’ai envie de détester quelqu’un, mais la liste est trop longue. J’écris "mais" beaucoup trop.

Je vais aller voir des amis. A la Brassens, des Auvergnats, des disponibles. Avec la nuit tombée, je suis à bout de souffle. Je vais aller ailleurs pour chercher le sommeil. Mon histoire, ça fatigue tout le monde maintenant. Le suspens est terminé. Je vais prendre l’air, l’air prétentieux, l’air de celui qui s’en sortira. On ne s’en sort jamais bien entendu. Mais l’air me portera.

Que la maison soit vide. Un jour, j’inviterai des gens sincères. Tout reviendra.