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L’avocat

jeudi 5 février 2015, par Grosse Fatigue

Mon avocat est un ami. C’est un type affable et voûté, abîmé par ce qui nous tue moi aujourd’hui, son divorce d’hier, celui dont on espérait qu’il ne nous arriverait pas la même chose.... Il est là, nous expliquant le droit alors que j’aimerais que l’on m’explique la tangente, la fuite, le passé. Il est très posé, la fatigue sans doute, il est aussi malade, il défend de pauvres types, il est mou. C’est un type que j’aime.

Sauf là.

Je confonds sans doute. J’attendais de lui une aide pour la garder, une sorte de prévention, les premiers mots du genre : attention, vous allez faire une connerie, quatre enfants, vous étiez heureux, souvenez-vous les soirées en terrasse l’été et le vin, et.

Rien.

Il venait à la maison. Nous les aimions elle et lui. Nous avons vu la tempête les prendre et les détruire. J’en ai marre des divorcés.

J’en fais partie depuis longtemps. Mais c’était sans enfant, c’était pour de faux : ça ne comptait pas. Aujourd’hui, quatre mômes à la ramasse, celle que j’aime envoûtée par un crétin (si : c’est vrai, je le jure). La petite me demande : "Papa, tu crois que tu vas t’en remettre ?
- Et toi ?
- Moi, papa, je crois pas."

Elle a neuf ans.

Mon avocat venait à la maison avec son fils. Il avait l’air abattu de ceux que les femmes abandonnent, nous sommes égaux. Je m’aperçois que je me suis toujours fait larguer. Je ne culpabilise pas. J’ai l’air triste sans doute maintenant. J’ai retrouvé le poids de mes vingt ans. Mais pas eux.

Nous l’avons vu ce matin. Il nous a expliqué le droit sans jamais nous demander de réfléchir un peu plus. De prendre du repos ou la poudre d’escampette. Je connais d’autres avocats. L’une d’elles m’a dit la même chose. Voilà le droit. Et le droit fait mal, même s’il est censé nous favoriser la vie. Je sens l’impuissance monter avec le coucher du soleil. L’énorme cafard qui grossit en moi. Noir, gluant, aussi dégoulinant que l’absence. Cette absence qui va tant peser d’ici un mois, qui pèse déjà puisqu’elle ne m’aime plus du tout, que je ne suis pas sûr que le mot ait un jour convenu, que l’on ne remonte pas les pendules à l’heure et que la vie n’attend pas.

Mais je n’aime pas les avocats.