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En finir - Idées noires

jeudi 5 février 2015, par Grosse Fatigue

Je n’ai jamais eu de compassion pour les suicidaires. J’ai toujours cru que la vie valait plus que tout, qu’elle ne valait même rien du tout, qu’elle était légère même quand elle pesait lourd, que l’on aurait bien le temps d’en finir quand il s’agirait d’en finir, que d’autres s’en chargeraient, le cancre ou les platanes disparus dans le midi. J’avais presque une détestation des suicidaires qui laissaient les gens qui les aimaient.

Et puis voilà.

Il me vient des tendances. C’est étrange. Le courant vient de l’intérieur et monte au cerveau, il me prévient de la coupure imminente, de ma propre inutilité. J’ai envie d’y passer. Les amis me disent de penser aux enfants. Je sais qu’ils oublieront. Bon sang : j’ai des tendances suicidaires.

L’autre soir mon corps s’est exprimé sans moi. Des cris des sanglots une pluie permanente dans les yeux un refus entortillé profond, roulant par terre, sans respirer. L’autre soir mon corps m’a fait cette proposition d’en finir, il l’a dit à ma tête qui n’entendait plus rien. L’autre soir est maintenant un autre soir comme les autres soirs. La banalisation du divorce, je croyais qu’elle ne touchait que tous les autres.

L’autre soir mon corps avait encore la force de m’empêcher de mourir comme un hérisson dans les idées noires de Franquin. Mon corps s’est aperçu que je n’étais rien, que tout était perdu, qu’elle était heureuse maintenant que l’épisode était terminé. Elle rejoint un monstre. Je suis invisible. Minuscule. Qu’ai-je encore à dire ou à faire ? Les amis me demandent de penser à mes enfants. Mais mon corps s’en moque bien. Le liquide noir et gluant remonte en moi et rien ne l’arrête, pas même ma raison. Cette dernière se veut objective : mon pauvre moi-même, n’as-tu pas tout raté ? N’es-tu pas minuscule, grandi seulement par ta mythomanie, tes manies de prolos quand ils jouent au loto ?

D’autres me disent que le modèle du couple est bien dépassé. Comme tout est dépassé aujourd’hui. Consommons-nous. Je dois être ringard. Et pourtant, je n’ai jamais élevé la voix contre l’adultère. Il suffisait de rentrer à la maison, après tout, nous allons vivre si longtemps, comment ne pas se lasser de l’autre ? Mais quatre enfants. Mes quatre enfants. Fallait-il y penser avant ?

Idées noires comme carburant, prix à la baisse. Se savoir fini, même si ça n’est qu’un instant - ce que d’autres me promettent - c’est terrifiant. J’ai peur de moi-même. Plus rien ne m’intéresse. Dans la catégorie "impuissances", j’ai atteint le sommet.