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La fin de l’enseignement

mercredi 10 décembre 2014, par Grosse Fatigue

Le constat est partout le même. J’imagine que certains enseignants échappent encore à cette vague terrifiante, j’aimerais les connaître, les voir, et même, oui, les toucher. J’aimerais toucher la main de ces veinards. Sont-ils à la maternelle ? Enseignent-ils en primaire ? Ou bien dans un supérieur caché aux regards des parents d’élèves ? Dans une prépa quelque part à Paris, où le gâteau est fait de la crème de la crème ? Mes amis, où êtes-vous ?

Pour ma part, je n’entends plus que la même litanie. Hier soir, c’était la prof. de solfège. Impossible de les tenir. Ce sont pourtant de petits bourgeois bien élevés qui viennent au Conservatoire parce que leurs parents imaginent que c’est tout comme s’ils faisaient allemand n’est-ce point ?

Oui certes.

Mais : impossible de les tenir. Smartphone à tous les étages. Les notes ? Quelles notes ? Il paraîtrait que le MINISTÈRE ENVISAGE DE SUPPRIMER LES GAMMES MINEURES. La tierce du même nom est incompréhensible par les rejetons de la gauche bourdieusienne. Et puis tout est expliqué en ligne. Serait-ce un premier pas vers l’élimination définitive des touches noires du piano et la réduction des gammes majeures à la gamme de do ? (En interdisant sa relative mineure, bien entendu, même si c’est impossible : la). Oui, l’interdiction des notes, c’est fait. Les experts se déchirent. Il suffirait pourtant de regarder où sont éduqués les enfants des experts pour voir ceux qui s’en sortent le mieux et copier leur éducation. Ça sent le Louis Le Grand ma bonne dame.

Mais la fin de l’enseignement ne vient pas que du ministère. Elle vient des parents et de l’industrie. Trois fronts convergent (joli mot) pour en finir avec l’élève. Les parents veulent que les mômes s’éclatent. Le principe de plaisir accouche de la violence la plus terrible mais personne ne fait aucune relation. Car le principe de plaisir fait de sacrés frustrés auxquels on a promis la lune sans apprendre la physique. J’en ai plein mes cours. Incapables de faire une règle de trois à bac+4, les voilà qui voudraient intégrer la Californie et ses promesses, alors qu’au mieux, ils seront chefs de rayon quelque part, mais je ne sais où. Je hais les parents d’élèves. Depuis qu’ils se croient informés et, surtout, débarrassés du terrible poids de parent, laissant les machines illuminer les regards vides des mômes, je les hais profondément.

Et puis l’industrie. Un rapport récent aux Etats-Unis parle de l’adaptation obligatoire de l’offre éducative à l’étudiant-client. We need some entertainment here ! Après l’enfant-roi, l’étudiant-client. L’étudiant-client va vous dicter la marche à suivre pour faire de lui un futur quelque chose, grâce aux promesses des technologies qui font déjà tout pour lui. De nombreuses boîtes nous pondent des MOOCS à tire-larigot. Je connais même des pauvres types qui croient progresser plus vite avec un Ipad™ sans jamais prendre de notes. La plupart de mes collègues savent très bien que les étudiants ayant un ordinateur ouvert devant leurs yeux font autre chose. Ceux qui ne le savent pas, je leur montre des photos. Quant aux étudiants qui n’ont pas d’ordinateur ouvert, la plupart envoient des textos à des inconnus : g man nui.

Je pense que l’on va aller très loin et plus rien ne m’étonne. J’attends la Chine, j’attends je ne sais qui, quelqu’un qui dirait des choses simples et bien. Des choses de bon sens. De vrais parents. De vrais profs.

Je sais.

Oui je sais.

C’est sans espoir.