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Facebook™ is merde. La stratégie du slip-kangourou

lundi 1er décembre 2014, par Grosse Fatigue

L’autre soir l’ami d’un ami que je n’aime pas vraiment me demande entre deux coups de fourchettes ce que je pense de Facebook™ parce que, d’après ce qu’on lui aurait dit, "Tu t’y connais". Je ne sais pas trop ce que c’est que de s’y connaître. J’en ai lu des dossiers sur la privatisation de la vie publique et la publicité de ma vie intime. J’en ai lu des conneries. Je lui précise assez rapidement que je ne suis pas vraiment d’accord avec ce que disent les experts. Sauf un. Il me semble - mais je suis à la fois très français et très naïf - que les gens ne seront jamais assez cons pour dire au monde entier tous leurs désirs puisque c’est le genre de choses que l’on connaît déjà en fonction d’un profilage évident revenus/diplômes/sexe/âge et, le cas échéant, gain au loto. Oui, vous saurez vraiment qui vous êtes camarades si vous gagnez au loto. Une minorité à laquelle je crois appartenir irait s’acheter une liberté définitive et infinie, en donnant presque tout à la recherche sur l’origine des abrutis ou des frères Bogdanov™, d’autres dépenseront la cagnotte dans des Lamborghini™ et des villas en toc et en stuc, en Californie.

Non, moi, ce qui me gêne dans ce truc-là, c’est la vacuité. Je connais des gens très éduqués et très diplômés qui mettent en ligne des photos de la bière qu’ils viennent de boire, du café qu’ils viennent de s’enfiler, de leur nouveau maillot de bain. Des choses aussi futiles que puériles inutiles, des choses superficielles qui ne nous apprennent rien si ce n’est qu’il n’y a rien à apprendre. Ce ne sont pas des centaines d’algorithmes qui pourront y changer quelque chose. A moins que les robots, à coup d’un peu d’intelligence artificielle, n’aient compris à quel point l’homo sapiens est globalement un crétin, mais nous étions au courant, on en a vu des films à ce propos ! Il est possible qu’une firme d’un nouveau type ne se mette à gagner de l’argent en nous interpellant à chaque chose idiote publiée. Ce serait formidable, une sorte d’ange-gardien mais sans la télé, ni la réalité. Une fenêtre s’ouvrirait et nous dirait : "Vous êtes sûr que ce genre de chose intéresse vraiment le reste du monde, ou la planète entière, ou même simplement vos amis ? Ne pensez-vous pas qu’il vaudrait mieux leur dire d’aller voir Snarky Puppy à l’Olympia™ le 7 mai prochain ou d’écouter en boucle Brian Blade ? Enfin, regardez-vous, toute cette énergie à communiquer le vide de votre vie pour le mettre dans le vide de la vie des autres : c’est presque désobligeant."

Bon. Ça pourrait exister.

J’expliquais tout cela à l’ami d’ami dont j’ai oublié le nom mais pas le métier ("La banque", allez comprendre), quand il me dit : "Oui, bon, mais t’as pas un truc pour qu’on ne soit pas pisté quand même ?"

Ah oui : on est pisté. Logs, conversations téléphoniques, Facebook™ donc, j’en passe, et des meilleures, adresses ip, sites pornos. Oui, nous sommes pistés par Poutine et un peu aussi par les autres, la Chine ou la Suède. Pistés, dépistés, couverts, découverts....

Je lui ai dit de préciser dans son profil qu’il aime les slips-kangourou . J’ai insisté pour qu’il clique à chaque fois qu’il en voit la publicité. Et qu’il en fasse lui-même la publicité à ses amis. Au nom de la Révolution Française, de notre passé anarchiste, de Proudhon et de Bakounine, de nos vieux rêves athées et européens, j’ai fait la promotion du slip kangourou. J’ai tout de suite imaginé une vague de fond - quand on sait celle que l’on nous sert, plutôt bleue et plutôt marine, j’en avais des frissons - car voilà : si tout le monde se mettait à faire la promotion du slip-kangourou sur les réseaux sociaux, je crois que quelque chose s’écroulerait.

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Bien entendu, je n’ai pas choisi le slip-kangourou au hasard. C’est un signal faible du retour vers le futur. Le slip-kangourou est à la frange du vintage, il n’y est pas encore, contrairement à la barbe et à la moustache. Un jour, même le poil reviendra ! Des légions de tatoués la soixantaine iront se faire blanchir avant la mort, effaçant la vacuité picturale de leurs vieux dermes à coup d’une monnaie aujourd’hui inconnue. Et le slip-kangourou sera là, avec armes et bagages, fabriqué à l’ancienne dans une manufacture de Lyon, en coton ardéchois (si : ça existera), et les ricains ne ricaneront plus. Mieux : ils nous écouteront.

En finissant mon avant-dernière phrase, alors que je regardais avec éloquence non mon interlocuteur, mais le plafond de notre hôte, j’ai compris à quel point mes délires minuscules ne faisaient rire que moi car je parlais seul devant le chat de la maison, castré comme son maître dans une chanson de Jacques Dutronc. Un chat angora avec de gros yeux jaunes, un peu comme Brice Hortefeux avant épilation. Je lui ai donné un coup de pied car les symboles ont toujours un poids, et je me suis resservi de ce champagne qui faisait rêver en regardant vomir le gros chat.