GROSSE FATIGUE cause toujours....

Accueil > Parents d’élèves > Quatre secondes de cas sociaux

Quatre secondes de cas sociaux

mardi 24 janvier 2012, par Grosse Fatigue

Je sais bien l’ambiguïté que j’entretiens avec le lumpen prolétariat. Ce n’est pas le prolétariat tout court. C’est le chiffon. C’est aujourd’hui le cas social. J’en ai subi au collège. Des brutes épaisses, des tarés. J’en ai vu une ce matin, à la maternelle, et je la vois tous les matins.

Aujourd’hui, elle a parlé. Elle a dit à son gamin, avec sa façon à elle d’éructer dès qu’il s’agit de parler à son gamin, elle lui a dit :"Il t’a frappé le négro, non ? Il t’a frappé le négro !". J’ai bien entendu. Personne d’autre ne parlait. La maîtresse était trop loin pour entendre et les enfants de trois ans qui entraient n’y entendent rien et c’est tant mieux. Puis le père maghrébin qui déteste sa fille et lui crie dessus tous les matins en arabe est entré aussi, en lui criant dessus, comme tous les matins. Il doit l’aimer au fond la gamine, mais on ne lui a jamais appris à aimer les petites filles, alors en public, il lui gueule dessus. Je sais par ailleurs qu’il lui gueule dessus en privé aussi.

Madame Lumpen Prolétariat lui dit bonjour comment ça va et il répond ça va et toi ?

Ils sont tout sourire et ont perdu pendant quatre secondes l’accent rauque des haines de soi, des autres, et de je te crache à la gueule parce que je t’emmerde et que je suis aussi libre que toi connard.

C’est peut-être là le point principal de l’observation matinale. Il y eut comme un moment de grâce entre les deux attardés, comme un moment d’espoir, un moment qui nous disait : tiens, on pourrait les ré-éduquer. Pas façon Khmer Rouge bien entendu.

Ils se sont salués sans façon, sans accent accentué, sans en rajouter, sans distinction. Comme des parents normaux, soudain dépossédés du poids de leur irresponsabilité génitale. Ça n’a duré que quatre secondes. J’ai tenu la porte à une maman noire puis j’ai mis mes mains dans mes poches, malgré le réchauffement climatique.

Ma haine le disputait à l’espoir. Devant des enfants de trois ans, c’est le dur retour aux réalités et ce genre de choses pourrait attendre l’âge tardif de nos morts certaines, ce serait plus sain. Je ne suis même pas bien sûr que la haine de la mère se distille en retour dans l’esprit du petit de trois ans. Mais en regardant les autres cas sociaux depuis dix ans à la maternelle, la probabilité de l’espoir n’est pas dans le bon camp. Les ultra-prolos n’ont qu’une chose à défendre, et ils s’acharnent : leur propre vision de la liberté individuelle. Ils n’ont de compte à rendre à personne, fument en voiture sans attacher les mômes à l’arrière. Leur liberté, ils n’ont que ça, ils vous la balancent à la gueule.

Je ne sais pas comment se forme l’esprit d’un gamin auquel on parle de négro à propos de son copain du même âge, qui n’est au courant de rien. La pollution parentale est à l’œuvre, et l’on en redeviendrait presque bourdieusien. Et puis je me souviens de ces copines du lycée au père raciste comme pas un mais inscrit au PS depuis toujours. Elles n’avaient hérité du paternel attardé que de grands yeux bleus gris délavés et tristes, mais aucune certitude.

Quatre secondes de civilisation, un mardi matin. Tout est bon à prendre.