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Fergusson Poutine

mercredi 26 novembre 2014, par Grosse Fatigue

Les enfants posent des questions et se moquent bien des réponses car d’autres questions fleurissent dans leurs petites âmes de rien du tout et ça rime avec marteau ou caoutchouc. Le petit glane des bribes à la radio sur les Oradour alentours d’aujourd’hui, ces types avec des couteaux en Syrie, les méchants de Russie, ou bien encore les jurys populaires américains qui décident qu’il ne faut jamais vraiment juger les blancs et presque toujours condamner les noirs. Je n’exagère rien quant à cette dernière phrase. Les Noirs sont, aux Etats-Unis, une caste sociale visible. C’est un concept à part entière.

Papa, on ne comprend rien à ce que tu dis. Tu comprends vraiment ce que tu racontes ou c’est pour de faux ?

A ce moment-là, des voitures de police filent gyrophares bleu sur le plafond de la cuisine. J’en profite pour fermer les volets. Quand on a des enfants et qu’on l’a fait exprès, il me semble que l’on voudrait que l’éternité se pose sur certains moments, et celui-ci en est un, parce que nous sommes loin du reste du monde. Il faudrait faire des photos et immortaliser mais ce n’est pas le rôle des photos, car on les regarde toujours après c’est un principe , et l’on compare l’espoir d’hier aux traits de demain, et tout s’est envolé et tout est déjà mort.

Papa, qu’est-ce que tu racontes ? Les photos, c’est juste pour faire des photos, c’est quand même simple, non ? Papa, c’est quoi le Donbass ?

Le mot vient de virevolter dans l’air et la plus petite s’en amuse. Serait-ce un instrument de musique ? Non, c’est un lieu pour lequel des types trop musclés et donc serviles se battent et se font prendre en photo dans Paris-Match à côté de cadavres cramoisis. Des types pas peu fiers de donner la mort. Car nous sommes encore allés chez le dentiste et Paris-Match m’a tenu au courant des grands de ce monde et des ordures, dans un ballet étrange d’images, aussi paradoxal que celui de Télérama, qui alterne les alternatives et les publicités. Après avoir vu des hommes bientôt égorgés à mains nues par des couteaux, j’ai pris connaissance en toute objectivité de l’heure suisse au cadran du luxe total, platine et titane, princesses et Monaco. Quelques putes familières - je veux dire "de grandes familles" - exquises et comme bouillies à l’avance dans des robes de grands noms souriaient flegmatiques comme si jamais elles n’avaient besoin d’être ici avec moi. Chez le dentiste.

Papa, pourquoi tu parles encore du dentiste ?

Parce que c’est un marqueur économique. Moi, c’est ce qui me reste du manque de classe - sociale - de mes parents. Aux Etats-Unis, il suffit d’être noir. Même leur président, qui l’est à moitié pour nous car nous sommes honnêtes mais totalement pour eux parce qu’ils sont obtus, même leur président demande de respecter une loi qui ne respecte rien. On a tué un gamin noir de beaucoup trop de balles pour éviter un procès, même si ce gamin était coupable, ce que l’on ne saura jamais, même après des nuits d’émeutes que l’on retrouvera dès la semaine prochaine chez le dentiste, avec le choc des photos mais plus trop le poids des mots.

Le poids des mots ? Mais, papa, les mots ! Ça n’a pas de poids ! Mais qu’est-ce que tu racontes ?

Je pense que madame Taubira est la plus digne des françaises aujourd’hui. Je pense que Poutine vaut bien Obama. Je pense que tout cela a assez duré.