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L’emploi industriel
lundi 24 novembre 2014, par
Le lundi matin, c’est l’heure du bilan. Je sais bien que les gens courent dans les couloirs de bus ou de métro. Moi, je fais le bilan. J’entends des mots à la radio. François Hollande parle de l’emploi industriel. Alors je pense à la réflexion de Bernard, retraité bougon de la fonction publique, qui ne gagne plus au sprint mais fait de son mieux dans les relais le dimanche, doublant à droite quand le vent est à gauche, et vice-versa. On fait tous cela. Il y a des règles. Bernard m’a demandé si Kévin avait retrouvé du boulot. Oui, Bernard ou Kévin, ça fait populo, mais ça n’est pas fait exprès, je n’ai pas changé les prénoms. J’ai répondu que Kévin n’en cherchait même pas. Et qu’il ne touchait pas encore son chômage. Car voilà : Kévin roule. Oui mais quand même me dit Bernard, faut trouver du boulot, c’est important le boulot ! Je réponds que lui-même, retraité, est bien content de ne plus avoir de travail, et peut faire du vélo autant qu’il le désire dans la semaine et le dimanche. Alors s’il pouvait faire du vélo avec les jambes de moins de trente ans de Kévin, ça ne serait pas plus mal. Puis nous avons accéléré dans la côte et Bernard a disparu momentanément.
En rentrant, j’ai donc entendu que François Hollande parlait d’emploi industriel (pauvre type) à la radio, pendant que l’on fêtait Johnny Hallyday toujours pas mort, tout en nous annonçant qu’Hubert-Félix Thiéfaine chantait des choses composées par d’autres, avec le soutien de son fils. La reproduction sociale fait des émules.
Puis le plus petit a insisté pour que l’on commande les jouets de Noël, et surtout des Legos™. Avec télécommande et moteurs. J’étais bien d’accord puisque je suis un grand enfant et que je veux absolument gagner contre les enfants dans les courses de bolides Lego™. J’en profite pour proposer au dernier - dans le secret espoir qu’il comprenne avant tout le monde les logiques de l’économie - de regarder sur internet une vidéo de l’usine Lego™. J’y ai pensé ce matin en le laissant à l’école primaire, avec sa sœur, tout en leur lançant "Travaillez bien" sans trop y croire, puisque c’est l’heure du bilan.
En visitant l’usine danoise, quelle ne fut pas ma surprise. J’en ai visité beaucoup des usines, et, en vingt ans, on a vraiment l’impression que les survivantes ont délocalisé la main d’œuvre.... Mais là, je ne savais pas quoi répondre à mon fils François Hollande, enfin, l’émotion me prend, parce que l’usine en question, c’est l’emploi industriel. Dans cette usine de l’avenir, il n’y a pas d’ouvrier. L’ouvrier fordiste est la bête noire qu’il faut faire disparaître. Il finit aux restos du cœur qui n’en finissent pas de gonfler les rangs, il finit aux ASSEDICS, il finit je ne sais où. L’important est qu’il finisse loin des yeux et loin du cœur, sauf pour les restaurants, bien entendu. Quant aux prolos immigrés fordistes, ils finissent dans l’éternel retour, ce qui ne facilite pas la compréhension de nos échecs.
Alors après avoir vu ça, j’ai encouragé Kevin à poursuivre son chemin dans les singletracks du coin, du haut de ses vingt-huit ans, il est bon de prendre l’air. J’ai remercié Bernard quand nous nous sommes séparés au lieu-dit "La fourche à purin", puisqu’il tourne à droite et pas moi. J’ai rassuré les enfants en leur disant que, de toutes façons, on ne comptait pas les voir s’engager dans une carrière d’ouvrier industriel.
Puis j’ai éteint la radio en rêvant.
Je me permets de citer le lien vers l’usine danoise seulement maintenant que vous savez tout.