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La solitude du batteur au fond de la salle

mercredi 18 janvier 2012, par Grosse Fatigue

Je joue de la batterie de mon mieux et mon mieux c’est pas terrible. Je déteste les gens doués qui jouent du Mozart à quatre ans à la guitare comme Brian Blade qui est un immense batteur. C’est vraiment trop injuste. Non. J’adore Brian Blade et même Steve Gadd. Je m’évite la critique parce que je ne joue pas si bien loin de là très loin de là.
Le batteur, c’est le pauvre type. Des centaines de blagues circulent à propos des batteurs. Les autres sont jaloux parce que les batteurs, c’est sexuel. C’est énorme. Ça tangue bien le batteur. Ça ne plaît pas tant que ça aux filles parce que c’est assis. Et au fond. Et les cymbales cachent. Et les cymbales crashent.
Je compense en travaillant seul la technique comme on apprend à jongler, mais vraiment seul.
Le batteur est un type abandonné. Même le bassiste a eu une place plus forte depuis les punks, depuis les premières destructions de la musique qui chantait. Dans le disco, no comment : le bassiste faisait tout. Depuis que l’on a ratatiné en binaire tous les airs du monde qui ne passent plus entre les oreilles des gens, c’est foutu : on remplace le batteur par des machines à commandes numériques et tout le monde est content. La peine de mort pour David Guetta, c’est en tant que batteur que j’en rêve. (J’imagine qu’un violoncelliste d’altitude en rêverait tout autant). Rien n’est plus pauvre aujourd’hui qu’un rythme de batterie, à part les paroles et les voix des petits chanteurs français. (Ces derniers ne savent pas à quoi sert une batterie : peine de mort aussi, tant qu’on y est).
Le batteur, souvent, il range en dernier tous ses fûts, les met dans le coffre quand tout le monde est déjà parti. Il n’a pas la cote. C’est pire qu’un navigateur solitaire : il accompagne.