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De lard et de cochons.

mercredi 29 octobre 2014, par Grosse Fatigue

Mon père prolo s’amusait à en rire quand je dessinais mal il me traitait de Picasso. J’imagine que c’était le Picasso™ sur la fin, l’arnaqueur gâteux qui peignait à l’eau des cages d’oiseaux que n’importe quel enfant aurait pu peindre dès l’âge de quatre ans, sous prétexte allez savoir de "peindre comme un enfant". Après tout, quand tout ce que l’on touche se transforme en or pour peur qu’on y colle sa signature, il y a de quoi devenir fou. J’écoutais mon père prolo qui en riait après avoir moi-même découvert la période rose mais aussi la bleue puis Guernica. Picasso arrivait à m’émouvoir enfant et ne m’a jamais quitté depuis. Je m’en excuse en guise d’introduction, papa.

Car voilà, parfois je te rejoins. L’âge sans doute, et surtout la liberté plus simplement. Car nous voilà à Rome avec tes quatre petits-enfants que tu ne verras jamais mais auxquels je montre tes vingt sur vingt au diplôme d’ébéniste car ce sont des choses qui se perdent, de temps en temps. Nous flânons de musées en musées et de touristes en touristes, ignorant les marchands ambulants et les gardiens du temple, les magnets du pape et les calendriers de prêtres affriolants en noir et blanc numérique, façon rugbymen épilés. Papa : tout se perd. Tu ne rates pas grand-chose, si ce n’est la vie, mais, comme tu le sais, on rate toujours un peu sa vie ou celle des autres.

Au musée d’art moderne de Rome, nous avons vu de l’art contemporain. Il y avait des choses intéressantes en photo, dont un Américain vivant en Afrique du Sud et qui a su recréer dans une vidéo de quelques minutes mes pires cauchemars. Ses photos sont très intéressantes. Mais je ne retrouve pas son nom, et cet étrange musée en est avare...

Pas ailleurs, nous avons bien ri. De la merde en boîte pardon pour le gros mot, d’un certain Tobias Rehberger, plasticien allemand. Oh, papa, ne va pas croire que sa germanité nous importe ! Que nenni ! Rien d’effrayant par rapport aux verts de gris que tu as connus ! Non, c’est plutôt risible si ça n’était pas injuste. Nous avons vu des petits dessins nuls, que ton petit-fils de six ans pourrait faire s’il était un peu bête ou relativiste. Ne t’inquiète pas, il n’est pas encore relativiste, et il a passé sa journée, comme les trois autres, à jouer comme un fou dans une œuvre d’art japonaise très drôle. Je ne sais pas si c’est une œuvre à vrai dire, mais elle nous a gardé les mômes le temps qu’il fallait... Donc cet Allemand est un sacré arnaqueur. Le fait a été amplifié en visitant aujourd’hui la Galerie Borghese. Je pense que des archéologues d’une autre planète n’auront aucun mal, dans dix millions d’années, à trouver au Caravage une modernité que notre abruti allemand aura perdu aussi sûrement que le rouleau de papier toilette que je viens de terminer en écrivant cette phrase assis à l’endroit adéquat, comme il convient. Et, papa, tu trouveras sans doute cela ironique mais voilà : notre Allemand est financé par la Deutsche Bank. Il a sans doute un réseau, de l’entregent, enfin bon, je suis certain que le peuple n’a pas voté pour lui en matière d’art. Je regrette que l’Allemagne de ton temps n’ai pas dépensé son argent dans une centaine de blaireaux du même acabit, nous aurions évité tant de mort et la Werchmart aurait fait du pédalo jusqu’en 1950 avant de se convertir à la new Beetle...

Reste le peuple.

Ah, le peuple ! Pas sûr qu’il aime vraiment le Caravage ou Cartier-Bresson, qui est exposé à Rome en même temps qu’Escher... Dans l’une des salles de la villa Borghese, j’ai pris trois gamins en photo. Deux d’entre eux étaient assis sur la même chaise et chacun jouait frénétiquement sur des Iphones™ face à un tableau de vierge à l’enfant du XVIème siècle. J’ai tout de suite eu envie de leur coller des baffes, de jeter leurs jouets par la fenêtre mais elle était fermée, et de flinguer leurs pères et mères qui photographiaient les plafonds avec des tablettes Samsung™. Leurs clichés étaient flous et grossiers. Ainsi vont leurs vies. Ma femme s’est alors jetée sur moi et m’a enfoncé dans la bouche les trois pastilles rouges qui me calment rapidement. Elle a peur que j’attrape une zemmourite aigüe ou une buissonnite ardente, deux maladies du début du XXIème siècle avec la fièvre Ebola et l’Islamisme. Je me suis calmé en redescendant le colimaçon, en rêvant de Chambord et de vieilles voitures. Et le vert des chênes a fini par me calmer, tout comme l’horizon trop élevé des pins parasols.

Après les glaces du soir, le peuple était amalgamé autour d’un Asiatique tenant dans ses mains des bombes de peinture pour produire l’art le plus ignoble, le plus laid, le plus improbable qui soit. Quand il eut fini, la populace globale s’est mise à applaudir. C’était aussi beau que les décors de Cosmos 1999. Ce type n’a rien compris : tout le monde fait ça. Pour être exposé au musée, il faut un projet personnel, unique. Et si c’est de la merde, ça peut passer....

Le combat contre le relativisme est perdu : nous sommes beaucoup trop nombreux.

J’ai repris trois pilules. Je suis accro.