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L’avenir des enfants

mardi 23 septembre 2014, par Grosse Fatigue

J’ai des amis qui ne veulent pas d’enfant. D’une certaine manière, je les envie. Non pas pour le choix en tant que tel, mais pour le courage d’une certaine solitude à l’horizon. Tous les matins je les regarde partir à l’école. Tous les soirs je les vois rentrer bien plus marqués par leurs copains que par leurs professeurs. Plus les amis sont bêtes et vulgaires, plus les enfants prennent les tournants facilement. C’est sans doute une réflexion bourgeoise mais fuck you car je suis anarchiste la moitié de mon temps, et assez souvent en matière d’enfant à défaut de l’être en matière d’éducation. Voir les enfants partir à l’école ou au collège me déprime pour la matinée. Chaque soir, j’ai espoir et projets pour eux. J’attends la pluie pour organiser des dimanches au laboratoire, à tirer de vieilles photos en noir & blanc où ils n’apparaissent déjà plus, tant il est vrai que ma conversion forcée au numérique a porté ses fruits. Il faudra un jour que je m’équipe avec une imprimante de bon niveau, qui ne me donnera jamais plus l’immense plaisir de voir le papier baryté dans le bain de rinçage, quand les noirs sont si profonds et les gris si variés. Il faut que j’explique cela aux enfants les dimanches d’automne quand il pleut. Sinon, on ira aux champignons puis viendra Noël et les cadeaux, moins superflus en famille qu’aux anniversaires, où les copains nous bombardent de papiers plastifiés et de jouets chinois.

La suite je la connais. J’ai des amis plus vieux avec des enfants plus vieux, comme les dimanches d’automne. Les gamins passent le bac et puis s’en vont, sans passion, pour trouver un lieu où passer leur vie entière avec des gens qu’ils n’ont pas choisis, à essayer de convaincre des gens qui ne les intéressent pas, alors que l’Arizona leur tendait les bras, ou Bali, ou Bamako. Il faut être très courageux pour vivre de sa passion, je n’ai pas franchi le pas, et parfois les disputes tournent autour de ce pas à franchir. J’espère que mes filles ne feront pas psycho mais je ne leur souhaite franchement pas de faire des études utiles, et de finir dans l’une de ces écoles de commerce où l’on vous fait croire que vous avez été sélectionné alors qu’il y a plus de place que de candidats... Si le formatage par les copains se propage dès l’enfance, il continue sous toutes ses formes plus tard, et surtout par la peur.

Oui, la peur.

J’ai très peur de l’avenir des gamins, du chômage, d’une certaine misère, du voisin du dessus et de celui du dessous, du mitoyen, des lieux monotones où ils risquent d’échouer quand on échoue. Pour faire du rock il faut faire semblant de passer à la télévision et l’immense chanteuse Lio - ou n’importe quelle autre - vous donnera des conseils sur la manière d’étendre votre tessiture, si jamais elle connaît le mot. Non, pitié !

J’ai peur parce que j’ai eu de la chance, et que je ne crois guère en la chance. Ni même en l’égalité des chances.

Mais hier soir le petit m’a rassuré. Il va inventer des choses quand il aura grandi, ce jour certain où l’âge adulte fait de vous autre chose qu’un rêveur. Des choses qui n’existent pas, comme dans une chanson de Michel Polnareff. Il va inventer comme Coltrane inventait.