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Autrefois le web
vendredi 3 février 2012, par
J’imagine que chaque génération a sa petite utopie. Pas sûr pour celle de 14-18 ou celle de 40.
Moi, j’ai eu le web. Un peu tardive comme utopie, mais quand même. Disons qu’écrire en ligne était une fenêtre formidable, et c’était nouveau, et c’était impossible. Du Québec au Japon, de l’Afrique du Sud à la Laponie, j’écarquillais les yeux quand on m’envoyait un email d’ailleurs pour me dire qu’on avait lu ma dernière humeur. Partager son humeur du jour avec le monde entier était d’un snobisme fabuleux et clandestin, et j’en garde quelque chose de l’étonnement. Je m’étonne.
J’ai même connu des gens vrais. Des amis maintenant.
Le web, c’était la jungle.
La jungle. Ou la savane. Assez clairsemée.
Et puis voilà.
Quelques entrepreneurs en sont venus à flairer le filon. En privatisant le web en trois étapes, c’était parti. Il fallait en finir avec l’artisanat. Le FTP et l’html, c’était trop lourd pour le peuple des pavillons. Il a fallu leur simplifier la tâche. Quelques sites bien organisés ont donné au peuple du préfabriqué pour se montrer lui aussi. Pas n’importe quel peuple. J’ai mon mot à dire. Je me montre.
Puis un Américain a compris l’intérêt de la chose : relier des individus. Montrer : PEEP-SHOW pour tous. C’était la deuxième étape.
Quand on a lu les mémoires du Colonel Rémy, on se méfie.
La troisième étape était d’ajouter des réseaux au réseau. De la permanence. Mes étudiantes bimbo (non, ce n’est pas une chance) envoient des textos sexuels au premier rang en fantasmant sur des types de seconde année à la coiffure douteuse. Le réseau est partout. Un immense PEEP-SHOW gratuit.
Et je m’écris à moi. Je m’écrie en fait, seul. La reprise est un échec. Mais qu’est-ce que je croyais ? Tout le monde est sur Facebook™, des milliards de dollars d’informations personnelles inimaginables du temps d’Orwell. Et tout le monde est tout à fait ravi d’y être. Et Nadine Morano est sur Tweeter™. Que peut-on y faire ?
Se taire ?