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Un potager bio et du poulet bio. Du bio. Du bio !

mercredi 16 juillet 2014, par Grosse Fatigue

J’avais une envie nostalgique de poulet. Un poulet tout simple, cette bestiole qui court dans les basse-cours, avec des plumes et des ailes trop petites. Un animal qui gratte la terre, qui bouffe les vers, qui vous picore au besoin, surtout quand c’est une poule et qu’on vient lui voler ses œufs. J’avais envie d’un poulet réel, pas d’un Tricatel™, oui un Tricatel™ : ils ont gagné. Et Coluche est mort.

J’ai acheté un poulet certifié bio en barquette recyclable. C’est absurde, un tel emballage, quand même. Mais j’ai fait confiance au prix : j’ai mis plus de vingt Euros, je veux dire : 130 francs en chiffres. 130 francs ! Deux albums de Pink Floyd ou de Supertramp ! Trois mois de mon argent de poche à l’époque où tous les poulets étaient bio™, c’est-à-dire normaux, à bouffer des crottes et des déchets dans les cours des fermes. On en a fait des progrès ! Les poulets normaux coûtent trois fois plus cher que les poulets Tricatel™, mais tout le monde a oublié le goût du poulet. Et des tomates. Des carottes. Des melons. Des abricots. Comme on a oublié le goût de la musique, de Charlie Mingus ou de Led Zepellin. Le monde est fade.

Et puis je me suis accroupi dans mon potager. Lumbago pathétique à biner la terre, à retirer les racines du chiendent que même les enfants ont abandonné, malgré le bénéfice de la taille. J’ai vaguement calculé le coût final de mon champ de patates bio™. Un rendement dérisoire. Pour le temps et le prix d’achat des semences, j’aurais pu acheter des patates pendant cinq ans. Mais j’ai insisté : j’ai acheté des graines bio™ de tomates. Je pensais qu’elles étaient normales. Mais j’ai compris : mes semis sont rachitiques. Il faut mettre de l’azote en masse pour en faire quelque chose. Il suffit de voir les semences de Potagerland™, pour comprendre : aussi obèses que leurs clients, avec leurs chiens, leurs chats castrés, leurs pavillons et leur mobilier de jardin en plastique.

Je pensais à tout cela en les regardant fermer heureux les coffres de leur Scénic™. J’étais prêt à bouffer des pissenlits.

J’ai quand même coupé mon poulet bio en deux. Je l’ai fait cuire sur les braises des branches mortes du jardin. Bon. Il n’était pas assez cuit et je n’avais pas assez de bois. Et il était déjà trop tard pour mettre du charbon de bois. Et puis je n’en avais pas. Et la nuit était vraiment tombée, malgré l’été. Tout le monde était couché et je soufflais sur les braises qui s’envolaient en poussières minuscules et incandescentes.

Ce matin, mon poulet bio est froid.

Mais j’ai un micro-ondes.

Ailleurs dans le monde, il y a la guerre, on décapite des gens, il y a même des types de mon pays qui vont là-bas pour tuer ces gens que l’on décapite, parce qu’ils croient en quelque chose qui n’existe pas.

Les bons combats sont pour une autre vie.