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Tout dans le client !

samedi 22 février 2014, par Grosse Fatigue

Oui je sais : il ne faut pas parler de ses clients. C’est vulgaire. Mais il se trouve que les méga-entreprises de nos jours - quand je dis "de nos jours", ce n’est pas tant pour préciser le temps présent que la manière dont ces entreprises façonnent, avec leurs gadgets, notre temps - les méga-entreprises ont un nouveau produit depuis quelques années. Ce nouveau produit, c’est le client. Leurs clients. Les naïfs. Tout est dans le client et plus rien dans le produit et le lien virtuel que nous proposent ces mastodontes leur permet de nous refiler tout un tas de produits, de services, mais aussi des putes, à nos goûts.

Et tout ça, c’est du flan.

Car par la même occasion, ces mastodontes nivellent les goûts et le monde ressemble à une banlieue australienne, standardisée for ever, à coup d’adolescents éternels et du divorce des parents : are you up to date ? La mise à jour permanente de nos besoins infinis passe aujourd’hui par l’écoute laconique de nos goûts sans démesure, le goût des autres est aussi le nôtre, et l’on ciblera l’humeur du moment selon que l’on "clique" ici ou là. Quand je pense aux utopies que nous balancions fiers et jeunes au début de ce que l’on croyait être le "web indépendant" : ah les cons ! D’autres ont bien mieux compris ce que l’on pouvait tirer de cette rêverie en termes monétaires : de la bulle financière comme dans un bain moussant. Nous avions cru que le créateur avait une toile infinie devant lui pour déposer ses couleurs. C’était oublier que les artistes se font rares, mais pas les ragoteurs, ni les midinettes.

Si certains croient encore à l’hypersegmentation comme une sorte de liberté, il vaut mieux se rendre à l’évidence du goût mondialisé, tatouage dans le bas du dos, voire partout, piercing ici ou là et goût des voyages pour la destination, avec enceintes trop gigantesques ou services assurés, selon l’âge. Ah, le beau monde que voilà. J’ai bien fait de rester anonyme.

Pour ma part, je m’inquiète des insectes. Ce n’est pas tant la lecture de Jünger en ce moment et de ses "chasses subtiles" qui m’y invite. Non, c’est une simple constatation : à part les quelques gendarmes sous les feuilles parfois, uniforme rouge et noir, je ne vois plus d’insectes. Quelques limaces : je crois en leur avenir, la pourriture étant ce qu’elle est, et étant avant tout leur domaine, il n’y a pas de raison de s’inquiéter. Mais pour nos rivales, les insectes, il semblerait que les agriculteurs ont gagné la partie. J’ai bien aperçu quelques moustiques et, il y a trois ans, de nombreux papillons dans un tout petit village. Mais c’était il y a longtemps. Entretemps, personne ne leur a proposé d’être de nouveaux clients et rares sont ceux qui tentent de les suivre non pas pour leur vendre une bagnole chinoise, mais pour être sûr qu’ils nous accompagnent encore dans nos rêveries.

Tenez : nos rêveries. Celles-là me semblent toujours à l’abri de l’espionnite aigüe des parages de San-Francisco. Un peu de répit sans doute en attendant Tom Cruise.