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Dental thoughts

mercredi 8 janvier 2014, par Grosse Fatigue

Chez le dentiste je feuillette Paris-Match™. Il n’y a pas de sot métier. J’aurais aimé que ma femme soit dentiste ou kinésithérapeute même si je ne sais pas bien où mettre le "H" dans ce mot trop long. Je suis un peu pourri des dents jusqu’à l’os. Mon père buvait du gros rouge et ma mère pensait compenser cet atavisme en me faisant boire de l’eau sucrée à cause des pénuries pendant la guerre qu’elle avait vécue. De carie en carie, la toupie ne fut guère un jouet de Noël. Un type comme moi, s’il était né aux Etats-Unis™ et dans les mêmes conditions pas tant si rocambolesques, serait à mendier dans la rue, édenté qui le mériterait bien. Le calvinisme là-bas a rendu même les catholiques protestants, c’est dire.

Je feuillette Paris-Match™ et je tombe sur cet article où des Américains blancs (mais je suis sûr que des Noirs en seraient capables) posent devant les cadavres des bêtes qu’ils sont venus tuer. Un dentiste de Miami pose devant une girafe, magnifique créature à genoux. Une femme - aussi séduisante qu’une Américaine blonde de quarante ans, arrête de boire Sue Ellen - pose devant un lion, comme si c’était une peluche. C’est qu’il est mort.

Les Américains ont de nombreux défauts. Le premier est de croire qu’ils sont partout chez eux. Le second que chez eux, c’est nulle part, du Nevada au Groenland. Le troisième de considérer qu’ils ont à jamais dominé la nature, et pire : c’est leur mission première. Asservir la nature, voire le monde entier, afin que chacun puisse demain ressembler à l’un de ces obèses que c’est même pas de sa faute s’il est si gros : c’est sa nature. Les Américains confondent tout. La plupart du temps, je les déteste.

Roy me demande pourquoi j’écris.

Parce que ça me fait du bien. Je combats mon impuissance, mon invisibilité, ma normalité, l’angoisse des trois heures du matin quand les enfants dorment et que je sais ma mort. J’en passe.

Je rêve d’un bon scénario. Un type comme moi vivrait à Denver. Il ferait du VTT. Il serait branché frugalité. Il lirait Paris-Match™ chez son dentiste. Il aurait tout perdu à l’avance dans une catastrophe naturelle ou, mieux, dans la chute des tours. Il n’aurait plus rien à perdre. Il serait en plus, comme moi après avoir regardé un bon vieux Bruce-Lee, tireur d’élite super fort. (Moi, je suis karatéka en fantasmes, ou acteur porno masqué en fantasmes, beaucoup en fantasmes en général madame). Le type serait un sacré malin. Il chercherait sur Google™ les assassins des beaux animaux africains, en passant par un serveur ghost en Russie pour masquer son IP. Il paierait tout en liquide. Il n’aurait pas d’empreinte digitale pour ne pas avoir d’empreinte carbone. Ce serait le sauveur du monde. Un Clint de gauche. Un Eastwood rêveur. Si tu existes mon ami, n’hésite pas. Tu t’attireras par ici de nombreuses sympathies. Il prendrait un train de marchandises avec des Hobos pour la Floride, en écoutant Lou Reed sur un vieux Walkman™ pourri antédiluvien. De marchandise en marchandise, de wagon en wagon. Il rencontrerait les voyageurs interdits qui sillonnent le pays perdu. Arrivé à Miami, il louerait une bagnole. Irait se faire soigner les dents. Il discuterait avec ce brave dentiste à propos de ces animaux en trophées sur les murs.

Il ne ferait rien tout de suite. Il attendrait même pas mal de temps. Et puis un soir, quand le gaillard invite ses amis identiques baraqués salles de musculation, cœurs enrobés de cholestérol à faire rouler leurs bagnoles, perché dans un camélia géant, il explosera la tête du dentiste avec une doum-doum pour éléphant.

Pour l’épilogue, on le verrait sortir du Motel à la Luther King, avec des néons roses délavés en arrière-plan et de vieilles Cadillacs™. On aurait peur qu’il se fasse arrêter mais les superhéros, ça ne meurt jamais. Il partirait vers le nord, pour chasser Sue Ellen à Philadelphie. On en ferait même une série télé. Plusieurs saisons peut-être.

Dans le dernier épisode, il irait en Afrique et tous les animaux viendraient lui lécher le visage. Ça lui ferait du bien à super-homme.

Je vais raconter tout cela au petit ce soir.

J’en ai marre des prédateurs.