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J’ai dû dire une connerie.
dimanche 5 janvier 2014, par
J’ai quinze ans. J’essaye de plaire aux filles. Ça fait quinze ans que je me vis en ligne. C’est absurde à quarante-sept ans. Quelque chose aurait dû se passer. Mais rien. Je continue à bavouiller. Je sais que des gens ont aujourd’hui plusieurs écrans face à eux. A mon boulot, les informaticiens en ont au moins trois.
Mais j’ai quinze ans. Je me raconte n’importe quoi, parce que ça ne sert à rien qu’à moi, mon petit nombril. Et puis souvent, je regarde les statistiques des visites de ce site. Je suis l’égal de ces types qui partagent leurs passions avec des gifs animés à l’écran, mélangeant coureurs cyclistes le violet et le jaune dans un html scribouillard car tout le monde n’a pas fait les Beaux-Arts n’est-ce pas ?
Hier soir en recherchant un négatif retrouvé il y a six mois ou trois ans, je tombe sur mes bulletins scolaires. J’étais déjà plutôt médiocre et carrément jean-foutre mais je me croyais fumiste. Sauf qu’un fumiste finit sans doute par y arriver, pas de fumiste sans feu. Moi, là, ce soir, je jette un coup d’œil rapide à mes statistiques, pour imaginer que je ne suis pas seul au monde.
Je n’ai pas retrouvé le négatif. A l’écran : une visite. Pour un texte en ligne depuis plusieurs jours. J’ai dû dire une connerie. Ou bien la NSA a-t-elle bloqué l’accès à mon site ? Car la NSA sait tout de moi et de mes lecteurs, ces anarchistes bio, la NSA connaît mes factures et les SMS brûlants que j’envoie encore à des ex. loin d’être en feu.
Je n’ai pas retrouvé le négatif de cette fille dans le métro et je n’ai plus qu’un lecteur. Pour peu que ce soit moi - ce qui est possible car quand je passe dans une grande surface qui vend des ordinateurs, j’en connecte le plus possible sur mon site ça me fait des visiteurs - pour peu que ce soit moi.
La NSA n’a pourtant pas accès à ce négatif qui est aujourd’hui LE négatif le plus important de ma vie, parce que je voulais en faire un tirage crucial. La NSA sait maintenant que ce négatif est important pour moi. Je tiens à le dire à la NSA, car un numérique est analogique, palpable, réel, perdu dans un carton, à l’abri des algorithmes mais pas de la nostalgie.
La nostalgie : un argument que l’on pourrait opposer à tous les big brothers, comme un Larzac ou une platine-disques...
Mais j’ai sans doute dit une bêtise, des gens cachés s’amusent à ne plus parler de lien, à faire autre chose, à s’entretenir entre eux. Qu’est-ce que j’ai bien pu dire ?