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Huit centimes d’Euros une bière et Olga : la France rend fou.

mercredi 27 novembre 2013, par Grosse Fatigue

Olga me regarde de son œil hagard. Elle me reproche silencieusement de lui avoir faussé compagnie la semaine dernière et d’avoir testé la nouvelle caissière, une paumée standard pas encore obèse, tatouée ici et là en couleur, dès la base du cou. J’imagine que les tatouages en reliefs et en couleurs de demain se feront plus bio : verrues en tous genres seront les panoplies de la génération Z, la dernière avant la fin de l’humanité. Vingt-cinq ans ?

Olga me regarde et je ne fais rien.

C’est à cause du zonard de devant qui passe à la caisse parce que le marketing des brasseries a pensé à lui en engrossant des canettes aluminium avec de la bière goulue et pas chère. Mais il lui manque huit centimes ce soir. Huit centimes. Olga me regarde et je ne veux rien comprendre.

Je ne peux pas donner huit centimes à un type qui boit. Ça lui fera vivre plus longtemps sa vie misérable. Je veux bien lui offrir un pack de lait conditionné UHT sans goût et sans rien dedans, une pisse de vache stérilisée au plus haut point mais contenant sans doute assez de pesticides, d’insecticides et de Front National™ pour m’assurer un avenir plein de cancers à moi et à mes enfants car nous sommes tous concernés.

Olga reprend la bière surnuméraire de mon clodo, qui me fait un signe et s’écrie :
- "Surnuméraire ? T’as pas l’impression que t’en dis un peu trop Fatigue ?"

Je suis surpris.

Olga enchaîne :

- "T’en fais un peu trop. Ce type, t’aurais pu lui donner huit centimes. C’est rien pour toi. T’as bien donné deux Euros à un Gitan devant la gare, celui qu’a un œil crevé par ses frères pour faire plus vrai ! Tu pouvais et t’as rien fait ! Qu’est-ce que tu nous emmerdes avec tes packs de lait pour tes enfants de bourgeois qui n’auront jamais de problème d’alcool ?
- Rien n’est certain je réponds à Olga. Rien n’est certain !
- Justement Fatigue, t’es de droite ! C’est pour ça que Rezo.net ne te répertorie que très rarement ! T’es de droite parce que t’es pas assez généreux ! Tu devrais t’effacer tu comprends ?
- Mais je m’efface déjà devant mes personnages ! Vous êtes envahissants les amis ! Je n’arrive plus à vivre sans vous ! J’ai l’impression que vous existez vraiment !

Le clodo me reprend, soudainement, avec l’air aussi vif que Luc Ferry quand il parle de Jésus :

- Putain Fatigue, tu crois que c’est toi qui nous invente ? Mais c’est le contraire ! C’est nous qu’on te fabrique ta mythomanie ! C’est nous qu’on t’envahit l’esprit ! Tu sais bien qu’à la longue, avec les Chinois ou à cause d’eux, on finira nombreux ! Tu pourras revendre ton saxophone et tes ordinateurs ! Tu sais bien qu’on envahit tout ! Tu sais aussi que les gens comme nous ont encore des familles qui votent FN ! Tu sais où qu’on va !
- Mais enfin cher ami, que me dîtes-vous là ?

Olga reprend :

- Fatigue, fais un effort ! Il te reste vingt-cinq, trente ans à vivre, et ta culpabilité cyclique fait peine à voir ! Qu’est-ce que tu fous ? Pourquoi n’es-tu pas un peu plus sérieux bon sang ? Engage-toi ! Signe des pétitions ! Reste pas dans ton coin !
- Je suis trop individualiste. Je me méfie des collectifs. Les gens, dès qu’ils sont nombreux, ils finissent par être méchants...."

Roy me fait des appels de phare sur le parking. Je ne sais pas pourquoi la nuit est tombée. Ni pourquoi la voiture est garée dans ce sens-là, qui nous permet de recevoir les faisceaux lumineux en forme de guirlandes de sa dernière Audi™.

Je reprends :
- "Roy m’appelle, c’est qu’on est pressé !
- Pressés ? dit Olga. Mais pressés par quoi ?"

Les gens dans la queue commencent à râler. Un vieux me dit d’en finir. De leur apporter l’espoir, d’être le porte-parole sur internet des vieux qui achètent des caisses de bières pour se noyer dans le houblon, un genre de titre de polar suédois qui ferait du bien à tout le monde.
Olga me dit de payer. De lui donner ma carte de fidélité. Roy fonce dans la vitre et défonce tout. Patrick Dewaere est directeur du magasin et Lino Ventura commissaire général.
J’appelle mon psychiatre. Je reçois un SPAM de l’Expansion et Marine Le Pen, au milieu du rayon dentifrices, me dit de retourner en Afrique, berceau de l’humanité et de l’homo-sapiens. Elle, Néandertale et force brutale me précise, dans un dernier souffle : "Dans Néanderthal, il y a néant.". Les gens applaudissent en criant : "Non à la marche des Beurs !".

La France me rend fou.

Je vais demander l’asile tout court au Canada Français.