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Mon dernier lecteur

jeudi 17 octobre 2013, par Grosse Fatigue

Mon dernier lecteur a frappé à ma porte. Il est entré. On a bu un café. Il m’a dit : "Je suis ton dernier lecteur". C’était ambigu. Il a précisé : sur tes statistiques dans SPIP, c’est moi. Le seul, l’amère.

J’ai regardé mes statistiques. J’avoue mon nombril un peu. J’avoue que j’aurais aimé avoir l’air. Que j’ai pas l’air du tout. Qu’il vaudrait mieux chroniquer bourgeois sur le site du Monde ou de n’importe quoi d’autre. Il me dit : "Voilà ce que je voulais entendre, on t’a tous abandonné. Je suis passé te dire que je m’en vais, moi aussi. Joëlle avait raison : tu n’as plus rien à dire."

Roy se marre en faisant ma vaisselle. Pamela s’est endormie. Olga est toujours caissière. Rien ne change. Le potager est en débâcle et la France en crise pour toujours. Ma croyance en internet vacille et marteau. Je n’y crois plus. Les étranges gens du Rezo m’ont abandonné aussi. Suis-je trop moi-même ? Devrais-je me ré-abonner au Monde Diplomatique ? Dois-je faire dans le relativisme ?

- "Ces questions sont déjà problématiques : marketing tu penses, marketing te démange !" me dit-il.

Je ne sais pas le nom de ce lecteur. Il ne m’a écrit qu’une fois puis le voilà, avec sa faux sur l’épaule et son étrange accoutrement. Il insiste : tu n’as pas vraiment voulu réussir. Tu préfères le vélo. Ou autre chose. Et à chaque chose que tu préfères, tu en préfères une autre. Tu sautes du coq à l’âne et nous sommes tous partis. Nous étions là par hasard, il ne faut pas te plaindre. NOUS ASSUMONS LE FAIT DE NE PLUS FAIRE DE LIEN. Et de ne pas chercher à te remercier pour ce que tu écris en ligne. Ce qui est gratuit n’a aucune valeur, tu devrais le savoir. Regarde Banski, sans les gens qui font monter la sauce, il ne vendrait rien. Tu es seul et tu tournes en rond. Vélo, photo, mots. Rien ne rebondit, rien n’avance.

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Voilà tout ce que tu reçois comme courrier. Sans compter les putes de ton âge aux noms félins et aux bas filés. Ce que tu as l’air con de continuer ainsi sans soutien, sans réseau. Il aurait fallu jouer le jeu. Même au boulot, on te demande de faire dans le réseau, de cirer des pompes. Plutôt faire plombier avec chiffon.

Mon dernier lecteur ouvre la porte et s’en va.

Facebook™ m’a tué. Même des gens intelligents causent dedans. On dit tout à la CIA, le grand psychanalyste de nos vies contemporaines. Elle scrute nos peurs et nos désarrois. On retrouve de vieux amis aussi usés que les habits que l’on jette.

On vieillit, voilà. Je me tais. C’est moins pire que de se répéter me dit le petit. C’est moins pire que de se répéter.