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Un mauvais père

jeudi 17 novembre 2011, par Grosse Fatigue

J’ai peur d’être un mauvais père comme mon père qui ne l’était pas tant. Au match de basket de samedi dernier j’emmène le petit dernier lui aussi voir sa soeur jouer. Un autre père fait de même avec son gamin du même âge, dans les trois ans, avec plein de super-héros dans la tête.

Mon gamin aimerait bien jouer avec la voiture en plastique de l’autre. C’est humain. On aime les objets. Et quand un autre a une belle voiture, on voudrait la même. Du moins ici et maintenant. J’espère que ça changera un jour.

Toujours est-il que mon gamin aimerait bien jouer avec cette ambulance blanche. Il trépigne un peu, il aimerait bien demander. Il pourrait demander au père de l’autre ou à l’autre tout court.

En bon démocrate, je lui propose de demander à l’autre tout court parce que son père m’a l’air sympathique. Et puis contrairement à moi, il n’est pas chauve, il a même les cheveux plutôt longs bien que poivre et sel alors je l’envie un peu ce divorcé qui s’y croit encore. (Je suppose qu’il est divorcé à cause de la suite, j’anticipe donc un peu, je déteste les divorcés et les célibataires qui peuvent en profiter).

Le gamin de l’autre poivre et sel qui s’y croit encore refuse tout net de prêter quoi que ce soit. A trois ans, il est déjà de droite, fier de l’être, et très français. Son père, qui ne sait sans doute pas tout à fait ce que c’est que d’élever son enfant pour en faire une mère Thérésa ou un Martin Luther King me regarde en souriant, d’un air de dire "C’est comme ça", ou plutôt, "C’est comme ça, hein" et même "C’est comme ça, hein, on peut rien y faire, c’est pas prêteur à cet âge-là...". Au physique, je ne pouvais pas savoir que ce mec était un gros con. Je sais maintenant qu’ils se reproduisent facilement. Et je dois péniblement expliquer à mon gamin que les règles de savoir-vivre et de bienséance, de générosité et de don, de politesse et de détachement n’ont rien d’universel : il y a des cons. Je le savais un peu depuis qu’une majorité de socialistes français ne sont rien que des mecs de droite qui profitent des femmes de chambre. Mais généralement, on a un petit mot pour un gamin pas prêteur : c’est pas gentil, ou, mais si, faut prêter, ou alors : on échange ? (Ça, c’est le côté partouzeur PS, peut-être mon préféré après tout, du vrai socialisme sans la morale catho, du libertinage, une utopie là où l’on croyait trouver le chantre (chancre ?) de la finance...).

Rien d’autre. Le gamin regarde méchamment le mien, et le mien me regarde hébété. Il vient de rencontrer, sans doute pour la première fois, un enfant égoïste encouragé par son père. Heureusement, je lui détaille par la suite que rien n’est joué. Le déterminisme social n’a rien de sûr, et ce gamin finira peut-être par chanter du Maxime Le Forestier dans une communauté hippie à San Francisco en 2025 on sera vieux, Jeff, faut pas t’en faire.

Mais mon môme me répond que c’est pas ce qu’il a lu dans l’un des ouvrages de ma bibliothèque, un truc aux Editions de Minuit, "La distinction" quelque chose comme ça.

"Bah" je lui dis. C’est pas de ton âge ces choses-là, t’as bien le temps.