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Saturne : un instant nous.

mardi 23 juillet 2013, par Grosse Fatigue

En écoutant la radio et la médiocrité vantée des chansons bouillie informatique, je n’ai pas conscience. Je n’ai pas conscience de l’immensité et de la petitesse de mon moi et de mes hémorroïdes, et c’est alors que je vois ceci.

Et là je pense à tous les crétins, les carêmes, les ramadans, les flagellés, les retardataires, qui n’ont jamais vu la terre vue de Saturne.

C’est donc là que l’on vit. C’est donc l’évidence. On arrive maintenant à se prendre l’autoportrait si loin de nous-mêmes, recroquevillés que nous sommes sur les vieilles rengaines, les haines en commun tout autant que les transports. Quand on voit ça, on oublie les embouteillages, les orages d’aujourd’hui. C’est presque aussi émouvant qu’une femme dévêtue la première fois quand on la regarde, sauf la petitesse qui nous prend devant l’espace-temps. Je me demande si la mort nous permettra d’aller voir tout cela de plus près si j’imagine bien la chose. Ce ne serait pas de refus. Dans l’espace, pas de Sarkozy, pas de plan de relance, pas de croissance - ou alors, à la marge, cette marge qui s’étend sur rien, expliquons cela aux curés - pas de Bernard Tapie ou de Depardieu en scooter. Rien, la lumière pour nous déposer. Nous vivons juste au-dessus de la petite flèche blanche. C’est notre adresse. En voyant cela, je me sens beaucoup moins seul. Parce que c’est vrai. Il n’y a pas d’effets spéciaux malgré les bits envoyés pour nous montrer en couleurs digitales. Dérisoires les colleurs d’affiches politiques. Il vaudrait mieux recouvrir les publicités de cette image-là sur la planète entière. Je me vois bien publicitaire disant : "Nous sommes là". Ça en ferait réfléchir plus d’un. Sans doute les mêmes, les sempiternels, les douteurs, les anarchistes. Quoi de mieux que des planètes, même gazeuses, pour rêver de notre adresse au loin ?

Je regarde le ciel dégagé et je cherche Saturne. Mes mots partent eux aussi dans l’espace, celui d’un instant. Il faut que j’aille préparer le dîner aux enfants. Il va falloir leur en parler.