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Le journal de 20H

mardi 25 juin 2013, par Grosse Fatigue

Je regarde par hasard le journal de vingt heures. Je ne sais pas sur quelle chaîne je suis. Je ne suis pas le journal de vingt heures. Je ne regarde quasiment jamais la télévision. Et surtout pas le journal de vingt heures.

C’est comme si j’avais passé vingt ans en prison, et que je découvrais le journal de vingt heures. Voilà donc la cause de tout.

Une bonne femme est filmée dans son appartement parisien. Elle a beaucoup souffert. Elle a eu des quintuplés. Enfin bon, disons que la FIV a donné des quintuplés. Elle a eu des jumeaux. Ils étaient prématurés. L’un des deux est mort. L’autre a survécu.

Elle les dessine pour ne pas les oublier. Elle dessine une femme avec cinq embryons. Des petits dessins sans intérêt.

Je comprends la peine. Je comprends la souffrance. J’ai donné. J’en connais.

Mais mais mais : comment peut-on être assez indécente pour accepter que le journal de vingt heures parle de cette intimité, de cette banalité de la vie, de ce qui peut arriver à tout le monde dans les pavillons alignés des villages français et des banlieues moroses ? Pourquoi cette femme-là passe-t-elle à la télévision ? Pourquoi parler d’elle ? Est-elle un exemple ? Est-elle universelle ? Est-elle nécessaire au journal de vingt heures ? Ne pouvait-elle pas se contenter d’un quart d’heure de gloire dans Marie-Claire ? Pourquoi ainsi se mettre en scène ? Se montrer ? N’est-ce pas indécent ? C’est donc cela le journal de vingt heures ?

J’ai une amie à qui c’est arrivé. Il y a des milliers d’exemples. Par chance, cette amie n’en parle pas tout le temps. Elle est digne. Elle ne dessine pas. Du moins pas ce genre de chose. Elle ne ressasse pas. Elle regarde droit. Elle a cette force des femmes. Elle ne conserve pas les photos des enfants perdus. Non pas qu’elle les oublie. Elle est humaine, sensible, posée, pudique.

Et puis, sa sœur n’est pas actrice. Elle ne fait pas du cinéma. Elle n’est pas connue. Elle n’a pas publié de livre de dessins à la con. Elle ne peut pas bénéficier d’une telle publicité au journal de vingt heures. On ne fait pas la publicité de la pudeur.