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Dois-je défendre ma caissière ?

lundi 7 novembre 2011, par Grosse Fatigue

Elle me regarde avec les yeux pétillants : elle sait que je vais lui sortir une connerie, comme deux fois par semaine, parce que je choisis sa caisse au moment même où les vieux qui traînent dans les rayons ont repris le chemin de leurs pantoufles. Ah, les vieux : un vrai problème rythmique ! Tempo lent, bouchons et embarras : l’avenir n’est pas rose. C’est le genre de connerie que je sors à ma caissière qui s’appelle Solange. Je lui ai dit un jour : "Ça rime avec Ange, c’est mieux que Solprout.". Elle m’a répondu : "Mais c’est pas un prénom ça ?". J’ai dit non, mais ça rime avec....

Elle a levé les yeux au ciel sans bien comprendre et balancé le filet d’oranges premier prix pour en faire du jus au bas du tapis volant de nos manques d’imagination. Elle me dit, ben vous buvez beaucoup de lait vous, hein ! Et puis elle a baissé la tête quand la femme du patron d’extrême-droite est venue vérifier qu’elle ne discutait pas avec le client pour aller plus vite et fluidifier la queue. Il n’y avait personne de toutes façons. Et pour fluidifier les queues, la femme du patron doit s’y connaître, mais c’est une autre histoire.

D’ailleurs je le dis à Solange : elle vient encore pour fluidifier la queue celle-là. Solange me dit : oui, elle fait ça tout le temps.
Je dis : c’est un peu crado comme fonction, non ?
Elle répond : ben, je sais pas, non, je crois pas, elle veut juste que ça aille plus vite.

Bon.

Alors après tout ça je lis un truc sur les caissières. Il y a les étudiantes avec un doctorat en sociologie (comme moi, coucou les filles), ou en psychologie/nombrilogie ou en lettres qui finissent par écrire leur vie de caissière avant d’en changer le temps de manger sur les droits d’auteur (moi aussi j’aimerais bien). Mais souvent, il y a la caissière-caissière. La caissière-caissière peut-elle éviter une faillite de la France ?

J’en doute.

Il y a deux mois, Solange a été remplacée par quatre caisses-scanners qu’elle surveille toute seule. Les vieux y vont maintenant c’est pitoyable de lenteur, 20 à la croche et encore. Pom pom pom. Et ça paye en liquide. Et ça en fout partout. Pourvu que je meure la veille d’être vieux !

Alors Solange ne me parle plus guère. Elle surveille. On n’a licencié personne. C’est quatre caisses pour une et elle est debout. On me demande de la défendre. Je préfèrerais gagner au loto et lui payer des vacances sur une plage du Pacifique à lire des bouquins, même le dernier Houellebecq au pire, mais la sortir de là et en finir pour toujours avec les caissières. C’est tout juste si l’on ne devrait pas délocaliser les caissières en Chine même. Pourquoi défendre les caissières ? Parce qu’il n’y a rien d’autre à faire. Il faut se le dire avant les pantoufles et l’âge. Vite !