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Les mains coupées des Maliennes

mardi 5 février 2013, par Grosse Fatigue

J’écoute le Monde Diplomatique qui sait mieux que tout le monde que tout est de notre faute et qu’il faut refaire l’histoire à sa sauce parce que sa science voit ce que l’on ne voit pas. Un autre espace-temps. J’écoute et je ne lis pas le Monde Diplomatique. Une fois par mois sur France-Inter, ça me suffit bien. J’ai longtemps été abonné. J’ai aimé les cartes et les illustrations, le sens critique, la déconstruction. Et comme mes copains, je suis devenu con avant même d’être devenu vraiment trop vieux pour croire qu’il nous reste suffisamment de temps pour réfléchir aux mains de Maliennes.
Je ne suis pourtant pas bien pragmatique ni même Anglais à vrai dire. Mais quand des salauds coupent les mains des femmes et que les bidasses de la caserne à-côté de chez moi se tournent les pouces dans leurs voitures avec ailerons, il me semble que l’on peut allier la carpe et le lapin et les envoyer là où ça fait mal et pour la bonne cause, même si la Françafrique ou je ne sais quoi. A vrai dire, on n’a pas le temps de réfléchir, puisque l’on est encore un peu fort malgré nos milliers d’usines en moins en dix ou quinze ans, si l’on peut permettre aux Maliennes d’avoir encore des mains, c’est pas Daladier qui me contredirait.

Une chose est sûre : pour ce genre de besogne, faudra pas compter sur les Chinois.

Mais c’est gênant et j’ai presque honte. A l’époque où j’étais encore croyant, à l’époque où j’étais abonné, à l’époque où j’essayais de lire Michel Foucault en me demandant comment l’appliquer à la vie quotidienne, j’étais sûr que l’on avait le temps, le temps du recul, le temps de l’élan. Réfléchir, réfléchir, réfléchir. Ça fait des plombes que je réfléchis à tout cela et la pendule du lapin fait tic-tac et voilà la fin. Je ne suis jamais allé au Mali ni nulle part, pour des tas de raisons. En cela : nous sommes nombreux. Il est vrai que l’on a d’autres priorités, plus pragmatiques, débattues à l’Assemblée par nos élus, ces gens si pressés de traiter de l’actualité qui les hante. Les faits divers l’emportent partout, et chacun y va de son commentaire et nous vivons dans la peur, cette peur sereine des gens qui ont des mains pour taper sur des claviers. Bénéfice occidental.

La morale de gauche nous dit donc de réfléchir, et nous prépare, comme les autres, un avenir d’extrême-droite, en laissant les grandes questions à ceux qui veulent bien jongler avec. Je vois Marine se lécher les babines : il suffit d’attendre que le fruit soit mûr sans faire de vagues. Il suffit de laisser pourrir. Oublier le chômage, en faire même un spectacle hilarant à Gandrange ou à Poissy, à coup d’estrades et de porte-voix, de Ministre en charge de ceci-cela, histoire d’attendre les lendemains qui chantent.

Ah que oui : on court à sa fin. Mais que les Maliens ou d’autres étrangers puissent l’applaudir, ça donnerait du fouet au spectacle, ça lui donnerait presque un sens ou, à défaut, un public lointain.