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Un monde standard

lundi 31 décembre 2012, par Grosse Fatigue

C’est le frère d’un copain d’enfance perdu de vue. Il est sur Facebook™ il est comme tout le monde, je ne me souviens de lui qu’en tant que frère d’un copain d’enfance. Au compteur il a trente quatre amis c’est pas mal. En photo il est tout à fait souriant, comme tout le monde sur internet.

Personne ne sait qu’il est mort il y a six mois dans son lit.

Facebook™ a besoin de mannequins en vitrine.

Histoire vraie.

Les gens se prennent en photo dans la pose que leur impose le numérique à bout de bras. Ils n’ont même plus les yeux rouges car la correction logiciel de leur vie standardisée est automatique. Ils se passent les bras derrière les épaules les uns des autres, et, par un réflexe bien conçu, stockent leurs sourires et les vapeurs d’alcool de leurs étonnantes conversations.

Je ne parle plus aux gens.

J’ai parlé au couvreur ce matin et lui en a profité pour me parler de son fils. Je lui ai offert un café, je n’en ai plus, il fait doux dehors, il faut faire la déclaration de travaux, je sais que la Chine nous saigne pour notre bien et les prix baissent chez Leroy-Merlin, je sais, j’en viens. Je suis moyen.

Pourquoi la plupart des actrices américaines sont-elles identiques ? Et comment ?

Aujourd’’hui, c’est le 31 décembre.

Aucun espoir.

Le couvreur a divorcé.

Des copains passent à la maison. Leur fils a abandonné la guitare pour apprendre le hip-hop. Je lui fais un croche-pied discret dans le jardin pour qu’il se noie dans la marre.

En avoir marre, illustration.

En passant en vélo j’ai vu les travaux. Depuis mon enfance on dérange le décor juste pour m’embêter et nourrir mes remords. Un copain me montre sa piscine dans son pavillon dans sa zone pavillonnaire. Un autre en rêve. On boit un jus d’orange. Je n’ai pas d’amis connus.

J’écoute TSF Jazz. On va me juger.

Vu de Google, le monde commence à n’avoir que des angles droits, à l’américaine. La recette prend bien. J’entends sur France-Inter que je n’écoute pourtant pas, que les boîtes de nuit rétrécissent et que les classes sociales ne s’y mélangent plus.

Les classes sociales ne se sont jamais mélangées. Sinon, c’est la merde, le bordel.

Il nous faut plus d’angles droits. Je n’ai rien dit au vieil homme qui laissait tourner le moteur de sa Clio™ hier sur le parking du supermarché. C’était pour le chauffage. Il faisait 16° à 16 heures le 30 décembre. Les dates sont importantes. Chacun pour soi. Je crois qu’il va aimer le drive, c’est un excellent concept pour ne pas croiser, par hasard, l’amour d’un moment. Pour cela, il y a des millions de putes en ligne, pour tous les âges. Depuis que je fais croire à mon célibat virtuel, des cougars m’invitent au MacDo™. Je vomis dans leurs plis.

Illustration d’une époque.

Un ami à la FNAC™ me dit "On a tout". Je l’ai déjà dit. Mais je le répète. Quand on sera heureux on n’aura plus rien. Mais je me répète. Depuis dix ans je me répète. Il faut se répéter, après, on connaît mieux la partition.

Je reçois de nombreux emails™ pour me persuader. Orwell n’a pas connu le SPAM. Il avait bien raison. J’ai aussi répondu de travers à des dizaines de sondages en ligne. J’encourage chacun à faire de même : dire n’importe quoi. Voyez où ça nous mène.

Bernard-Henry m’apostrophe : "Ce n’est pas sur le web que vous pourrez percer, vous dîtes n’importe quoi, il faut vous reprendre. IL FAUT FAIRE UN PLAN ET S’Y TENIR". Je me suis vengé en couchant avec sa fille. J’ai ensuite partagé mon amertume avec Salman Rushdie. J’ai retrouvé sa Rolex™ dans la fille de Bernard-Henri Salvador, ça n’est pas banal. Enfin quelque chose d’excentrique, en-dehors du milieu, une quasi-révolution pour moi. Je la remercie.

Et puis au moins, maintenant, je suis à l’heure pour prendre mon train quotidien.