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Monsieur Montebourg me nationalise temporairement

mardi 27 novembre 2012, par Grosse Fatigue

Quand le monsieur a sonné, j’étais sous la douche, crotté du bonheur de la boue, des champignons, de la campagne que les parisiens n’ont pas, par exemple.

Je suis donc sorti, en peignoir, recevoir ce que je croyais être un colis du grand fleuve tranquille d’Amérique du Sud où je me suis promis de ne plus mettre d’argent sur un compte bancaire au Luxembourg. (Comprenne qui pourra, la vie n’a rien de simple).

Un type chauve à lunettes attendait là, avec une mallette et, derrière lui, une Citroën Aygo™ de fonction noire immatriculée discrètement au service de l’Etat. "Vous êtes bien Grosse FAtigue ? " En voilà une question étrange dans le monde réel. Mais et vous, qui êtes-vous ?

Il se présente. C’est un serviteur de l’Etat, énarque, promotion de mon cul, donc après les années quatre-vingt si j’ai bien compris. Il ne sourit pas, ce qui est un comble pour un chauve. (Le chauve sourit d’habitude).

- "C’est Arnaud Montebourg qui m’envoie à vous. Je viens vous nationaliser temporairement. Votre public de gauchistes qui ne croit que la moitié de ce que vous écrivez et qui n’en lit qu’un quart a besoin d’être convaincu des vertus de notre politique industrielle. Vous représentez la quintessence des illusions françaises, vous aimez le vélo, les fromages et Voltaire, et puis les femmes un peu aussi, ce qui aurait plu à Wannabe qui, hélas, n’a pas eu le temps d’être élu à la place de notre bien-aimé président."

Je restais interloqué. Comment ce type avait-il eu vent de mon existence réelle, ici, dans mon village éclairé à la bougie les soirs de crise, et où l’on fête tous les mois et dans la joie la fin des règles des filles majeures et encore frivoles ? Je sais bien que quelqu’un m’a trahi. Jean-Denis, je pense que c’est toi. Si tu lis ceci et que tu es seul, sans Isabelle, Simone, Suzanne ou sa mère que tu aimes tant, voire l’une des inconnues lubriques que tu dois me présenter sous peu, écris-moi.

- "Monsieur Fatigue, arrêtez de délirer voulez-vous : la situation est grave. Nous faisons face à une situation sans précédent. Même les riches font la gueule ! Ils nous disent qu’ils en ont marre que l’on dise du mal d’eux, de leurs Porsche™, du lifting de Patrick Bruel™ sur France 2, des fortunes accumulées par leurs sites de ventes privées en ligne où l’on ne vend que certaines choses à certaines personnes pour leur faire oublier que tout cela est produit à la chaîne en Chine atchoum."

Je lui passe un mouchoir en papier recyclable. Ne vous emballez pas comme ça voyons ! Venez, entrez, on va discuter !

Il remet ça :
- "Monsieur Fatigue, comprenez-bien, c’est fini, fini, fini ! Plus rien ne sera plus jamais comme avant, même le passé est une illusion. Vous faites partie de ces quelques crétins privilégiés qui ont une femme qui travaille et vous possédez trois cochons d’Inde. Vous êtes loin du Français moyen et encore plus loin du Français de souche, c’est louche. Nous venons nationaliser vos turpitudes, acheter votre silence, le temps de la mettre en veilleuse, disons, jusqu’à la Pâques de l’année prochaine. C’est une politique à grande échelle, nous nationalisons temporairement les états d’âme, c’est tout ce qui nous reste comme état, le reste se compte comme de la dette, et vous avez vous-même perdu votre triple A, croyez-moi, c’est mieux ainsi. Dès le printemps, les bonnes nouvelles reviendront, et, même si le chômage augmente parce que l’on est incapable d’inventer un nouveau Minitel™ qui plairait au fantôme de Steve Jobs™, eh bien, il restera toujours les bourgeons, un vent du sud parfois, les jupes des filles et ces décolletés obsédants, n’est-ce pas ?"

Sur ce, Audrey arrive derrière moi et me demande chéri, qu’est-ce qui se passe ? Audrey n’est pas vraiment mon type de femme, mais en revendant sa dernière paire de lunettes, j’ai pu payer un vélo dernier-cri à tous les pépés de mon club qui ne savent plus comment me remercier, et puis, surtout, j’ai accès au carnet d’adresses de tous les snobs des Inrocks™, ce qui me permettra, un soir de folie, d’appeler David Guetta pour lui couper les doigts.

- "C’est rien Audrey, c’est ton ex. qui veut m’acheter mon silence. Temporairement, bien entendu..."

"Tu vas enfin la fermer alors ! Hein ! Pas trop tôt ! ".

Et la voilà repartie dans la Citroën™ du technocrate, vers de nouveaux horizons. J’ai gardé d’elle quelques paires de lunettes de rechange, et toutes les illusions accumulées de l’Internationale Socialiste, le caviar low-cost, un peu de politiquement correct, un relativisme foucaldien, deux strings trop petits pour elle, de quoi me faire un arc pour chasser les lapins. J’ai aussi une œuvre contemporaine d’un artiste friqué représentant un plan gratuit du métro de la capitale dans un cadre en tungstène, symbolisant l’écart croissant séparant les élites de gauche et le peuple de droite, celui qui métro-boulot-dodo. Et puis un débardeur à rayures façon bretonne, made in France.

Je me tais en savourant. Je suis de nouveau libre, en silence, pour quelques temps.

Merci qui ?