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Deux cons dans un camping-car : approfondissement

jeudi 15 novembre 2012, par Grosse Fatigue

En ressassant l’image de ces deux cons dans leur camping-car [1], d’autres images sont revenues. Les vallées des Alpes, les cols, les routes et les virages. Au milieu de tout cela, comme des verrues rationnelles blanches et cubiques : des camping-cars. Sur les parking bitumés près des torrents, des chaises pliables et des bedonnants. Des femmes années soixante et presque des bigoudis dans les cheveux, regardant vers l’intérieur, vers le sol ou vers le soleil, vers leurs corbillards blancs équipés de WC ou vers des Renaults™ diesel, des Peugeots™ diesel, des Citroëns™ diesel rangées là. Leurs chiens en laisses, leurs merdes en souvenirs fossilisés pour l’année prochaine. Restes de la classe moyenne et de sa volonté rebelle de nomadisme, des Roms civilisés et sans guitare. J’étais étonné de ne pas comprendre les deux cons de l’autre soir [2]. Pourquoi regarder vers la laideur, vers le parking, le bitume, les hangars et les HLM alors que, pas si loin, ils auraient pu avoir la mer ou un champ de tournesols morts en panorama ? Quelle pathologie les avait amenés jusque-là ?

J’avais déjà oublié que les camping-cars à la montagne ont des propriétaires dont les comportements donnent eux aussi à penser. La simple idée d’aller à la montagne en camping-car, de détruire le paysage avec ce cube blanc, cher et polluant, alors qu’on peut loger à la ferme, dans une étable au milieu des vaches, à coucher dans le foin, à peloter la fermière, mais ?

Mais bien sûr. La faute à Jeff Koons, aux professeurs d’histoire de l’art, au relativisme. Quoi de plus beau qu’un parking ? J’en prends moi-même en photo. Certes en argentique et en noir & blanc pour l’attente. Mais c’est du pareil au même. L’école nous vante la fin du beau. Ne m’a-t-on pas dit qu’une boîte d’allumettes sur laquelle on collerait des boutons de veste était une œuvre d’art ? Mauxion, mon prof de quatrième, n’a-t-il pas jeté tous mes dessins au crayon de papier, mes copies de Docteur Justice et de Rahan ? Mes lions et mes panthères ? N’a-t-il pas lui-même décrété la fin du dessin ? La démocratie illusoire de l’art ? N’avait-il pas un camping-car ce con ?

Bien sûr que si. Un camping-car et des tongs. Et interdiction de juger. La distinction, c’est relatif. Plus rien n’est distingué. L’horizon d’un parking satisfait la population et nul ne s’en plaint vraiment que mes quelques amis virtuels, ces écologistes fous qui osent, sur les chantiers, planter des graines de chênes pour l’après, quand nous serons partis avec nos valises bien fermées et nos corbillards blancs, vers d’autres cieux. Je balance moi-même assez souvent des sachets de graines au hasard, en ville, dès que j’entrevois suffisamment de poussières et d’eau.

A force de nous promettre l’Amérique, nous y voilà.