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L’origine de l’immonde : ma belle-mère

mardi 26 mai 2015, par Grosse Fatigue

Il fallait que j’en parle un jour. Mais je suis un garçon bien élevé et honnête et poli. Mais quand même. Quand j’ai appris que ma belle-mère soutenait le nouveau venu de tout cœur, je n’ai même pas été surpris. Quand elle lui a écrit à quel point elle était heureuse que sa fille, la mère de mes quatre enfants, soit enfin avec quelqu’un d’élégant, je n’ai pas été surpris. Même si ce quelqu’un d’élégant s’est fendu d’un courrier de quatre pages me racontant par le menu ses ébats avec mon ex., en forêt, dans ma chambre, n’importe où du moment que le déjeuner de l’abject était réussi.... Me reprochant mes origines prolétaires et s’en moquant du haut de ses revenus de chirurgien palpant de la prothèse de hanches pour les vieux qui vont clamser avec le taux de remboursement de la Sécurité Sociale.... Grâce à ces personnages odieux, j’ai enfin un roman sous la main, quelque chose d’abject qui coule de source, charriant la merde humaine aussi sûr qu’un charnier polonais vers le printemps 1941. Je n’exagère rien.

Quand j’ai appris tout cela, non, je n’ai pas été surpris.

Il a fallu que j’en avale des couleuvres avec cette vieille chose depuis toujours, que j’imaginais ne jamais rien désirer que la mort de tout afin de ressembler enfin au reste du monde... La première fois que je l’ai vue, raide sur son carrelage brillant, me serrant la main avec dégoût, j’ai compris que la vie ne serait jamais un grand fleuve tranquille. Un jour, elle m’a dit en plissant du nez que "Ici, c’est nous qui choisissons qui vient, vous n’avez pas à amener vos amis chez nous." J’avais amené mon vieux pote hirsute, qui me raccompagnait dans leur pavillon avec sous-sol, afin qu’il embrasse mes gamins et s’amuse au passage de la guenon en cuisine, avec son rictus à casser des noix pour d’invisibles convives anthropophages. Puis elle m’a dit que je m’occupais mal de leur fille, sans doute parce que je ne me rase que tous les trois jours, que ma maison sentait mauvais - autant que La Bohême d’Aznavour pour des gens habitant dans un cube avec véranda en plastique - ou bien qu’elle en avait marre que j’urine à côté de la cuvette alors que ça n’était même pas moi mais que je soutenais celui qui avait réussi à pisser de travers à ce point. Pendant une certaine période, j’avais réussi à lui faire la bise. Elle était outrée, on l’aurait peinturlurée avec la merde fraîche d’un teckel neurasthénique qu’elle n’eut pas été plus écarlate. Elle mit vite le holà à ce genre de pratique, en me serrant la main de plus en plus loin, le bras de plus en plus tendu. Je suis certain qu’aujourd’hui, elle est capable de faire le salut hitlérien juste en pensant à moi. Je ne lui en souhaite pas plus.

Bien sûr, il y a une mythologie de la belle-mère, des histoires de fin de banquets ou des débuts de mariage, après la messe. Mais il y a dans mon Panthéon à moi, la reine des belles-mères, dont on imagine mal qu’elle ait pu inspirer l’amour au pauvre ère qu’elle sonne encore. Comme il me fait pitié le gaillard, lui qui donne encore la répartie sur l’avenir du monde, et qui a passé une vie entière à côté d’un sac de sécheresse et de méchanceté ! La reine des belles-mères, à jamais cryogénisée dans sa froideur, s’exprimant non par mimiques mais par rides, sillons profonds de la cruauté et de la bassesse, imaginant sans doute à quel point mon énergie vitale avait quelque chose de débordant qu’elle aurait - maître du monde - vite fait de m’enfermer dans quelque asile. Je me souviens des croûtes qu’elle peignait.... Des erreurs de perspectives, des couleurs de grandes surfaces de bricolage, et surtout, cette morgue, encore plus glacée que celle de l’hôpital où, mon frère et moi, avons fait l’erreur d’aller voir, une dernière fois, le visage de l’une de mes sœurs, contrit dans la douleur et l’œil droit encore ouvert, la peau jaune et sans espoir des leucémiques sous la lumière blafarde. C’est pourtant là que l’on aurait dû laisser vivre ma belle-mère. On n’a pas idée d’élever les taupes à l’air libre ou d’enfermer les enfants ! Et bien elle, c’est à la morgue qu’il aurait fallu la mettre, profond. Mais sa propre mère est morte si vieille, qu’il y a peu d’espoir d’avoir cette joie folle de la découvrir dans un tiroir roulant, au cinquième sous-sol d’un Centre Hospitalier Régional pas encore rénové, à rêver d’une série américaine qui nous expliquerait par le détail et en 3D qu’elle était morte depuis toujours à l’intérieur, et que, oui, ça existe les zombies.

Mais tout ça viendra. Elle finira par se dessécher encore plus. Elle finira lyophilisée dans ses excréments farineux, la peau tirée de toutes parts dans des couleurs bleus et rouges transparentes. Le vieux lui dira peut-être à quel point elle l’a fait chier une vie entière, ce qu’il ne fît pas à l’incroyable anniversaire de leurs quarante ans de mariage où, faute d’amis, on avait invité des cousins lointains qui, comme moi et à ma manière, comptaient les mouches en attendant le dessert dans le plus parfait des silences alimentaires : bruits de fourchettes et pets écrasés en fin de repas.

Un jour j’irais cracher sur sa tombe, avec ses petits enfants. Il me faut quelques victoires. Puis le soir venu, nous déterrerons son corps avec des amis déguisés en Michael Jackson mort, et nous le glisserons dans le lit de sa fille, à côté du chirurgien dont je souhaite la mort par cancer de l’anus... Nous les attacherons tous ensemble dans cette odeur sublime de décomposition, et tapisserons les draps des immondices retrouvés dans les poubelles de la morgue, viscères pourrissant, poumons de cancéreux, testicules hypertrophiés, merde d’hommes morts et cadavres de rats anémiés. Nous danserons autour du lit, déguisés comme des Indiens de nos enfances, en les piquant au vif avec d’anciennes seringues. Puis, dans le plus grand silence, nous prendrons les deux vivants, l’ex-femme de ma vie et son chirurgien abject, et nous leur coudrons l’anus comme on le fait aux cadavres avant la vidange, à la manière des horreurs du divin marquis dont je suis loin d’être l’apôtre. Alors je savourerai ma joie, ma victoire finale sur l’origine du mal, de celle qui éleva la mère de mes enfants dans le manque d’amour et l’absence de tendresse, de celui qui osa dire qu’il me remplacerait comme père auprès de mes enfants, et de celle qui osa me quitter en le soutenant....

Champagne et pleine lune !

Et youpi.